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La Maraîchine Normande
4 juin 2012

LES VENDEENS DE LA "GRAND'GUERRE" ET LE CHAPELET

 

 

Le Père de Montfort avait popularisé la double dévotion du chapelet et du Sacré-Coeur sur une partie du territoire de la future Vendée militaire. Les disciples du Bienheureux, établis à Saint-Laurent-sur-Sèvre et chargés de la plupart des missions qui se donnaient aux alentours, s'appliquèrent à maintenir cette double dévotion chère à leur fondateur ; grâce à leur zèle elle s'était propagée du Bocage bas-poitevin jusqu'au fond des Mauges ; si bien qu'en 1793, lorsque la cause religieuse transforma en insurgés les paisibles habitants de ces contrées, tous, Angevins et Poitevins, s'empressèrent d'arborer le chapelet et le scapulaire du Sacré-Coeur comme insignes de ralliement.

C'était en récitant le chapelet que les gâs de la Grande Armée marchaient à l'ennemi :

"Armés de fourches, de faulx et de bâtons, cheminant sans ordre, par petits pelotons, on les entendait au loin réciter le chapelet à haute voix, ou chanter des litanies et des cantiques, pour implorer le secours du Dieu des batailles et se préparer à mourir en fervents chrétiens."

L'abbé Deniau, qui me fournit cette citation, ajoute en note :

"Mes parents m'ont raconté qu'ils les entendaient d'une lieue de distance et même plus, murmurer ainsi dévotement le chapelet, et que cette récitation bruyante, qui dominait le bruissement de leur marche en sabots, avait quelque chose de saisissant pour l'âme."

C'était en récitant le chapelet, et en guise d'action de grâces, que ces héros en sabots s'en retournaient chez eux après la victoire :

"Après la victoire du Boisgrolleau (20 avril 1793), rapporte le même historien si véridique et si bien informé, toute l'armée catholique rentra dans Cholet et y donna le spectacle d'une foi profonde et d'une ardente piété. Tous les paysans, Cathelineau et d'Elbée en tête, récitèrent le chapelet depuis les hauteurs de Boisgrolleau jusqu'à l'entrée de l'église de Saint-Pierre".

Le soir, avant de se coucher, et cela même après les plus rudes journées, jamais ces pieux soldats du Christ ne manquaient de renouveler la récitation de leur prière favorite :

"Le soir de la prise de Fontenay (25 mai 1793), raconte M. de Brem d'après un témoin auriculaire, les Vendéens harassés cherchaient partout un asile pour la nuit et bienheureux étaient ceux qui avaient des connaissances dans la ville, parce qu'ils avaient espoir de ne pas coucher à la belle étoile. Les gens de la Gaubretière, des Landes-Genusson et lieux environnants, qui connaissaient la famille de Châtaigner, arrivèrent en foule à sa maison de Fontenay, demandant en grâce un abri pour la nuit. Non seulement on fit droit à leur demande mais la famille résolut de ne pas se coucher, et tous les matelas de la maison furent portés dans le salon de compagnie qui fut bientôt envahi.

"La nuit venue, les maîtres du logis, qui s'étaient réfugiés au premier étage, entendirent tout à coup un sourd bourdonnement dont ils ne pouvaient deviner la cause. Craignant un retour agressif de la part des Bleus, ou quelque autre danger, Mme de Châtaigner descend, ouvre la porte du salon, et que voit-elle ? tous ses hôtes à genoux et récitant à demi-voix le chapelet avant de se coucher ! Tout fut expliqué alors et l'on ne put s'empêcher d'admirer la foi et la ferveur de ces pauvres gens, à qui la fatigue du combat n'avait pu faire oublier leur prière du soir."

Cette pratique du chapelet, toujours populaire dans notre Bocage, prête à rire aux Patauds du vingtième siècle : les Patauds de 1793 n'en riaient pas, eux qui, en entendant au loin marmonner le rosaire, s'empressaient de prendre la décampe au cri de : Voilà les Brigands !

M. BIDEAUX

La Vendée Historique

1907

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