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La Maraîchine Normande
3 juin 2012

LE DRAME DE PIERRE-MOINE

Une noyade dans la baie de Bourgneuf en 1794

 

 

Les touristes qui, chaque année, se dirigent vers Noirmoutier par la voie du bateau à vapeur de Pornic, passent, à moitié chemin à peu près, devant un curieux écueil surmonté d'une tour rayée de rouge et de blanc : ce rocher et cette tour s'appellent le rocher et la tour de Pierre-Moine. C'est là que, vers la mi-février de l'année 1794, quarante malheureuses victimes, parmi lesquelles un vieillard, des femmes et des enfants, furent noyées par les républicains, qui s'en étaient emparés au cours d'une battue dans la forêt de Princé.

Voici comment le savant et consciencieux conservateur de la Bibliothèque de Nantes, M. Joseph Rousse, raconte cet horrible épisode, avec pièces à l'appui, dans ses Drame et Récits bretons, dont un chapitre est consacré à l'une des plus intéressantes victimes, Mlle Jeanne de Prigny :

"Le 14 février 1794, trois jours après le combat où La Cathelinière fut blessé, un détachement de la garde nationale de Nantes arrêta dans la forêt de Princé quarante-neuf personnes qui furent conduites à Bourgneuf et retenues prisonnières. Il y avait "environ trente femmes, une dizaine d'enfants et un vieillard". Au nombre de ces femmes se trouvaient Mlle de Prigny et Virginie (sa servante).

La place de Bourgneuf était alors commandée par un ancien tonnelier de Nantes, appelé Foucault. Il s'entendit avec un ajudant général de brigade, Claude Lefebvre, sur le sort qui devait être fait à ces innocentes victimes de la guerre.

Lefebvre, ayant été supplié de mettre le vieillard en liberté, répondit qu'il le ferait conduire à Nantes avec les autres. Foucault et lui appelèrent le capitaine du navire Le Destin, du port de Méans, près de Saint-Nazaire, et ordonnèrent d'embarquer à son bord, avec une troupe de soldats, les quarante-neuf prisonniers. Ils lui remirent des instructions écrites. Une femme Biclet, réclamée par la commune de Bourgneuf comme nièce d'un officier ministériel, fut débarquée.

Lefebvre avait invité le commissaire des guerres à faire porter dans le bateau "du riz et du lait pour nourrir les enfants pendant la traversée", disait-il.

Le navire mit à la voile. Du pont où elle était mêlée aux autres prisonniers, Jeanne de Prigny put voir au loin, sous les nuées d'un ciel d'hiver, la vieille église des Moutiers assise près du rivage et, sur un coteau, la petite chapelle de Prigny entourée de ses ormeaux.

Rien d'extraordinaire ne signala le voyage jusqu'aux approches du rocher de Pierre-Moine. C'est un écueil isolé dans la baie de Bourgneuf, entre Pornic et Noirmoutier, mais plus près de cette île.

Arrivé là, le capitaine du navire, nommé Macé, communiqua au chef des soldats un ordre qui lui avait été remis et était ainsi conçu :

"Nantes, ce 5 ventôse, l'an II de la république française une et indivisible.

Il est ordonné à Macé de faire mettre à terre la femme Biclet et de conduire le surplus à la hauteur de Pierre-Moine pour les jeter à la mer comme rebelles à la loi.

FOUCAULT "

Le chef de la troupe, brute sans entrailles, se mit en mesure d'exécuter ces instructions, mais, sans doute par suite de la résistance de quelques uns de ses soldats, il consentit à épargner huit femmes et enfants. Les quarante autres prisonniers furent livrés à la mer, malgré leurs supplications et leurs hurlements de désespoir. On peut se figurer cette scène atroce qu'aucune description ne saurait peindre.

Mlle de Prigny et sa compagne Virginie étaient au nombre des noyés.

Le patron du navire, effrayé du crime qu'il avait commis en se prêtant à l'exécution d'un tel forfait, revint à Bourgneuf et, devant ses complices, se répandant en sanglots, il eut une crise terrible qui mit sa vie en danger pendant plusieurs heures. "De ce moment, dit Chevas, un des historiens qui ont raconté ces évènements, ses facultés intellectuelles semblèrent l'avoir abandonné."

A l'époque de la soi-disant réaction thermidorienne, les bandits qui avaient ordonné ou effectué cette horrible noyade furent mis en jugement pour la forme, mais le tribunal révolutionnaire s'empressa de les acquitter. Voici, en effet, ce que nous apprend encore l'honnête et impartial historien républicain qu'est M. Joseph Rousse :

"Foucault, Lefebvre et Macé, dénoncés par l'indignation publique, furent, après la chute de Robespierre, arrêtés et conduits à Paris pour être compris dans le procès intenté à Carrier et au Comité révolutionnaire de Nantes. Le tribunal qui les jugea le 26 frimaire de l'an III (16 décembre 1794), était le fameux tribunal qui avait condamné tant d'innocents ; mais le 9 thermidor avait modifié la situation et aussi le personnel des juges. Il n'osa laisser impunis Carrier, Pinard et Moreau Grandmaison dont les crimes innombrables criaient vengeance. Il furent envoyés à la mort. Quant à Foucault, Lefebvre et Macé, tout en reconnaissant formellement qu'ils s'étaient rendus coupables de cette noyade affreuse, le jugement les acquitta, avec presque tous les membres du Comité révolutionnaire nantais, sous prétexte qu'ils n'avaient point eu d'intention criminelles et contre-révolutionnaires."

Je livre ce récit - sans commentaires - à la méditation des catholiques de plus en plus traqués et de plus en plus ralliés qui s'égosillent aujourd'hui à crier : Vive la république quand même ! - en dépit des souvenirs sanglants de 93 et des provocations croissantes de Marianne III, digne héritière de sa canaille de grand'mère !

Henri du Bocage

La Vendée Historique

1902

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