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La Maraîchine Normande
27 mai 2012

MARTYRE DE MARIE-RENEE DU BOIS, VEUVE PETITEAU DE SOULLANS

3 du mois d'août 1794

Dans la personne de Marie-Renée Du Bois, veuve Petiteau, la Vendée catholique vénère une martyre de la franchise et de la sincérité chrétienne : elle a donné sa vie pour ne pas violer le précepte divin : Tu ne mentiras pas.

Marie-Renée Du Bois, de la maison noble du Grand-Marais était fille de du Bois, sieur du Grand-Marais, et de Marie-Angélique Jolly.

Mariée à François-René-Nicolas Petiteau, notaire et procureur à Challans, elle perdit son mari en 1786. Il mourut victime de sa charité. Voulant faire l'aumône à un pauvre, il fit tomber sur lui le râtelier qui portait les pains, et il fut écrasé sous la charge.

Sa veuve restait avec trois enfants, dont l'aîné n'avait que 2 ans ; le dernier venait de naître à l'époque de la mort de son père.

Elle vivait fort retirée, dans sa maison familiale du Grand-Marais en Soullans, et partageait son temps entre l'éducation de ses enfants et les oeuvres de bienfaisance. Mais on arrivait à cette époque lugubre où la vertu était un crime, et le 23 mars 1794, nous la trouvons détenue dans la maison d'arrêt de Challans.

Mme Petiteau n'avait à son dossier que la dénonciation suivante d'une jeune fille de 12 ans, et qui est consignée dans les pièces du procès :

"Aux environs des fêtes de Pâques 1793, l'ex-prieur de Soullans, le sieur Noeau, étant venu faire les offices dans l'église paroissiale, la citoyenne Petiteau s'était tenue sous le ballet et l'avait invité, au sortir de l'église, à rentrer chez elle, pour y prendre ses repas. La veuve de la Touche et la veuve Guignardière le recevaient aussi ; mais quand on avait à parler d'affaires au dit Noeau, c'était toujours chez la veuve Petiteau qu'il fallait aller le trouver."

Cette dénonciation, qui est tout entière à l'honneur de l'inculpée, ne semble pas avoir été une pure invention calomnieuse. Un vieux domestique de Mme Petiteau, qui depuis était resté longtemps au service de la famille Merland, des Sables, racontait qu'un jour l'abbé Noeau, mourant de faim et poursuivi par les bleus, était venu se réfugier chez la pieuse veuve. Elle l'avait accueilli à sa table. Mais après le repas, elle supplia le fugitif de quitter sa maison, qui n'était pas sûre, et de ne pas compromettre inutilement la mère de trois orphelins. M. Noeau sortit pour chercher un autre asile. On l'aperçut traversant la cour du Grand-Marais ; ce fut suffisant pour mettre en émoi la police révolutionnaire.

Mme Petiteau fut arrêtée dans son salon, et conduite de Soullans au Perrier. Au témoignage de la jeune fille qui l'accusait, elle reçut en chemin les injures de deux hommes, qui la rencontrèrent à l'extrémité de la Chaussée.

Le premier lui reprocha d'avoir rappelé l'ex-prieur Noeau, et cria de la fouiller ; ce qu'on fit. L'autre vomit contre elle mille invectives, et dit qu'il voulait la tuer lui-même, avec le fusil dont il était armé.

De la geôle du Perrier, elle fut traînée jusqu'à Challans.

C'est là que l'infortunée captive trouva dans un compatriote un ami dévoué, Charles-Marc-René Merland, membre de l'administration du district.

Merland ne négligea rien pour la sauver, et sans doute qu'il y eut réussi malgré tous les obstacles, s'il eût trouvé plus de souplesse dans la conscience de cette femme chrétienne, sa cliente.

Il lui conseilla d'abord de se faire oublier dans la maison d'arrêt de Challans. La Terreur lui semblait toucher à son terme, et les modérés, qui arrivaient au pouvoir, proclameraient bientôt, croyait-il, une amnistie dont elle allait bénéficier.

Mais poussée par l'amour maternel, la pauvre mère demandait à grands cris d'être envoyée à Noirmoutier, devant la commission militaire et révolutionnaire établie près de l'armée de l'Ouest, pour y subir, le plus tôt possible, son jugement. Elle ne pouvait accepter de laisser indéfiniment ses trois orphelins à l'abandon, au milieu des horreurs de la guerre civile.

"Ce que j'ai fait, disait-elle, ne peut m'être imputé comme un crime capital, puisque je n'ai pas caché le prêtre qu'on a vu traverser la cour de ma maison."

Elle espérait aussi que la plus grande partie de la population de Soullans s'empresserait de venir témoigner en sa faveur.

Les supplications de Merland ne purent la fléchir ni la convaincre de son erreur : il fallut l'inscrire dans un convoi de prévenus, et elle donna l'ordre d'envoyer ses meubles à Noirmoutier, afin d'avoir ses enfants près d'elle, pendant la durée du procès.

Merland la vit partir avec chagrin, et s'efforça dès lors d'apitoyer, en faveur de sa protégée, les membres du tribunal. Au risque de se compromettre, il ne craignit pas d'intervenir auprès des juges ; il leur parla du bien que faisait autour d'elle Madame Petiteau, de ses enfants en bas âge et de la faiblesse de l'accusation.

Il y eut un moment d'espoir. Ses juges ne demandaient à l'accusée qu'une seule chose : nier les faits qu'on mettait à sa charge, et spécialement le fait d'avoir reçu chez elle et à sa table un prêtre insermenté.

- "Je ne saurais sauver ma vie par un mensonge, répond la noble chrétienne : et si c'est un crime d'avoir donné à manger à un malheureux prêtre, traqué et mourant de faim, ce crime je l'ai commis, croyant remplir un devoir d'humanité".

Un dernier effort devait être tenté, pour sauver Madame Petiteau, le jour même où le jugement fut rendu ; mais une tempête retarda de deux heures, au passage de Fromentine, les témoins à décharge. Le tribunal, averti de ce cas de force majeure, refusa de surseoir au prononcé de la sentence, et quand les témoins arrivèrent, le triste convoi se dirigeait vers le lieu du supplice.

Nous devons citer ici une partie du texte du jugement qui condamnait à mort Madame Petiteau, avec une vingtaine d'autres victimes, parmi lesquelles on comptait un certain nombre de femmes.

"Séance publique tenue à l'Isle de la Montagne (Noirmoutier), le 16 thermidor, l'an II de la république française, démocratique et impérissable (3 août 1794).

Sur les questions de savoir si Marie Du Bois, veuve Petiteau, âgée de 35 ans, de Soullans, district de Challans et X... X... (suivent 20 autres noms), sont coupables :

1 - D'avoir eu des intelligences avec les Brigands de la Vendée ;

2 - D'avoir provoqué l'emprisonnement et le massacre des patriotes ;

3 - D'avoir provoqué ... à la destruction de la liberté et de l'égalité, à l'anéantissement de la république française, l'accusateur militaire entendu, et faisant droit à ses conclusions, la commission extraordinaire et révolutionnaire condamne les 21 dénommés à la peine de mort."

L'exécution de Marie-Renée Du Bois, et des 20 victimes condamnées avec elle, eut lieu à la Claire, sur le bord de la mer, à 4 heures du soir.

Les condamnés furent liés, deux à deux, dans la cour du château.

Les femmes, dit une tradition, étaient vêtues de blancs et chantèrent des cantiques et le Magnificat jusque sur le bord de la fosse.

Comme le funèbre cortège, dit un témoin, passait en face de l'église, une jeune fille, une des plus jeunes des condamnées, se mit à éclater en sanglots. Sa soeur l'embrassa et lui dit : "Ne pleure pas, petite ; ce soir nous coucherons chez le bon Dieu."

Le convoi passa devant le prieuré ; suivit la rue du Grand-Four et le chemin du bois de la Chaise, jusqu'au carrefour de la croix de Saint-André ; puis, se dirigea vers la ferme de la Bosse, il coupe la lande en diagonale, atteint l'extrémité du Chemin-Neuf et les dunes de la Claire pour gagner la Grande-Prée.

Deux énormes fosses étaient creusées, et quand les vingt et une victimes sont tombées sous les coups de la fusillade, les corps y sont jetés, pêle-mêle, et recouverts d'une légère couche de sable.

C'est là que reposent, en attendant la résurrection glorieuse, les restes, ou plutôt les reliques de Marie-Renée Du Bois, veuve Petiteau, victime de l'héroïque réponse qu'elle fit à ses juges : "Je ne puis sauver ma vie par un mensonge."

Bulletin Paroissial - Saint-Jean-de-Monts

1920

p. 12 à 15

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