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La Maraîchine Normande
20 mai 2012

IL FUT CELEBRE, EXTREMEMENT CELEBRE, UN SEUL JOUR ...

Michel Philippe MANDAR dit Théophile

Il naquit à Marines, près de Pontoise, le 19 septembre 1759. Il embrassa les principes de la révolution avec l'exaltation qui le caractérisait, mais sa passion pour la liberté n'excluait pas en lui l'amour de l'humanité.

Il eut le courage de réclamer pour elle dans des circonstances déplorables où les hommes du pouvoir étaient sourds à ses cris.

Il fut célèbre, extrêmement célèbre, un seul jour.

Ce jour appartenant à l'histoire, nous croyons essentiel d'en rapporter tous les détails ; nous les empruntons à un auteur contemporain, à Prudhomme, dont les liaisons avec les hommes exaltés de l'époque l'ont mis à même de connaître les hommes et les évènements d'une des plus sanglantes journées de notre révolution.

Mandar était vice-président de la section du Temple, lorsque des brigands, rassemblés de tous les pays, égorgeaient, aux premiers jours de septembre, une foule de malheureux renfermés dans les prisons par mesure prétendue de sûreté. Il se rendit, selon Prudhomme, le second jour des massacres, vers les 6 heures du soir, chez Danton, alors ministre de la justice. Tous les ministres, Roland excepté, Lacroix, président de l'assemblée législative ; les secrétaires ; Pétion, maire de Paris ; Robespierre, Desmoulins, Fabre d'Eglantine, Manuel, plusieurs membres de la commune dite du 10 août ; enfin, les présidens et les commissaires des 48 sections, s'y trouvaient réunis. Les progrès que faisait alors l'armée parisienne, qui, après avoir pris Verdun, s'avançait dans la Champagne, et les massacres qui s'exerçaient dans Paris, étaient les motifs qui les avaient réunis. A 7 heures et demie, on passa dans une des grandes salles de la chancellerie, et la présidence ayant été accordée à Danton, sans aller au scrutin, afin d'abréger, il s'établit la plus étrange délibération sur des objets de la plus haute importance : il s'agissait de sauver la France des armées étrangères, et Paris des fureurs des démagogues. Servant, qui arriva plus tard, paraissait attéré de la nouvelle de la prise de Verdun, qu'il venait d'apprendre. Danton seul montra beaucoup de présence d'esprit et de fermeté. Prudhomme ajoute que "si de grandes et extrêmes mesures furent prises alors, on les doit au génie révolutionnaire de Danton." Cependant les assassinats se continuaient à l'Abbaye, à la Force, aux Carmes, à Saint-Firmin, à Bicêtre ; le sang coulait dans toutes les rues, des charretées de cadavres les traversaient à chaque moment, et répandaient l'effroi dans tous les coeurs. Mandar eut le courage d'élever la voix au milieu de cette terrible assemblée.

Il interrompit la délibération, et dit à Danton : "Toutes les mesures de salut extérieur sont-elles prises ?

- Oui.

- Occupons-nous donc à l'heure même de l'intérieur, et, prenant un ton plus solennel, il proposa de réunir sur-le-champ toute la force armée ; demanda que tous les citoyens présens se formassent en autant de groupes qu'il y avait de prisons où l'on massacrait, et qu'ils se chargeassent, soit par l'ascendant de l'éloquence et de la raison, soit par les moyens d'autorité réunis à la force, d'arrêter à l'heure même ce torrent de sang "qui, dit-il, souillerait pour jamais le nom français." Sa proposition fut écoutée avec intérêt ; mais les grandes mesures qui venaient d'être arrêtées, la faisant regarder comme un objet secondaire, empêchèrent tous les citoyens présens d'y prendre une part égale.

Danton le regarda froidement, et lui dit :

- Assieds-toi ; cela était nécessaire ...

Mandar, qui n'était rien moins que convaincu, se retira dans une autre pièce, prit Robespierre et Pétion à part, et leur adressa la parole en ces termes : "Robespierre, te souviens-tu que, le 17 août, tu demandas à la barre de l'assemblée législative, au nom de la commune, et sous peine d'insurrection, que l'on organisât un tribunal pour juger les accusés dans l'affaire du 10 août ?

- Oui.

- Tu n'as pas oublié que Thuriot écarta la proposition, par la raison qu'elle était accompagnée d'une menace.

- Je me le rappelle, dit Robespierre ; Tu vins à la barre ; Thuriot fut interrompu, tu improvisas une harangue véhémente, et obtins l'établissement du tribunal dont j'avais sollicité la création.

- Ainsi, reprit Mandar, tu peux juger de mes moyens oratoires.

- Oui ; mais au fait.

- Eh bien, si Pétion et toi êtes de mon avis, Lacroix et les secrétaires sont de l'autre côté, nous allons les prévenir ; si demain vous consentez à m'accompagner à la barre de l'assemblée, je prends sur moi de proposer d'imiter les Romains dans ces temps de crise qui menacent la patrie ; et, pour arrêter sur-le-champ ces effroyables massacres, je demanderai qu'il soit nommé un dictateur. Je motiverai ma demande ; ma voix retentira comme le tonnerre. Oui, pour faire cesser ces massacres, j'aurai l'audace de le proposer ; il ne le sera que 24 heures ; il ne sera puissant que contre le crime. La dictature arrêtera le sang ; les massacres cesseront ... ; ils cesseront à l'instant même.

- Garde-t'en bien, dit Robespierre, Brissot serait dictateur !

- O Robespierre ! lui répondit Mandar, ce n'est pas la dictature que tu crains, ce n'est pas la patrie que tu aimes ! c'est Brissot que tu hais !"

Pétion ne proféra pas une seule parole pendant tout ce colloque. Depuis ce moment, Théophile Mandar a disparu de la scène politique. On parla dans la suite de dictature ; il s'agissait de la déférer à Robespierre ; il ne l'obtint pas de droit, mais il l'exerça de fait pendant quelque temps.

 

Mandar fut revêtu, en 1793, du titre de commissaire national du conseil exécutif de la République française, et la Convention lui accorda une gratification de 1 500 francs. Il fut ensuite traducteur d’ouvrages politiques anglais et lui-même auteur d'ouvrages de réflexion politique. Le gouvernement impérial lui accorda également diverses sommes pour le préserver de l’indigence, mais il n’en fut pas moins toujours dans un état voisin de l’indigence jusqu’à sa mort. En 1814, le tsar Alexandre Ier fut curieux de le voir et, comme il était d’une très petite stature, ce monarque lui ayant exprimé sa surprise : « Sire, lui répondit fièrement le vieux républicain, il n’y a rien de si petit que l’étincelle. » On assure que Bonaparte, qui avait lu des passages de son poème le Chant du crime, désira en voir l’auteur et fut pareillement frappé de l’exigüité de sa taille, il lui en témoigna qu’il ne reconnaissait pas « l’homme du manuscrit ».

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