LA JEUNE CORBETE, MARTYRE DE TIFFAUGES
LA JEUNE CORBETE, MARTYRE DE TIFFAUGES
Vers la fin de l'année 1793, les Bleus postés à Montaigu n'avaient plus rien à craindre de la Grande Armée ; aussi se livraient-ils impunément, dans toute la contrée environnante, à ce qu'ils appelaient la chasse aux brigands. Hommes, femmes et enfants, tout ce qui leur tombait sous la main était impitoyablement massacré.
Ce fut au cours de l'une de leurs chasses qu'ils martyrisèrent une pauvre jeune fille de Tiffauges, nommée Corbète. Mme de Sapinaud, qui se trouvait alors réfugiée aux Landes-Genusson, paroisse voisine, rapporte ainsi le fait dans ses Mémoires :
"Le 27 décembre, une jeune fille, nommée La Corbète, fut prise par les bleus. Elle était jolie et faite pour inspirer de la tendresse et non de la fureur, ces misérables essayèrent de la séduire. Ils lui proposèrent de la conduire à leur commandant, lui promettant toute sorte de richesses. Quand ils virent qu'elle était sourde à leurs promesses, ils crurent que les souffrances la rendraient plus traitable, ils épuisèrent sur elle toute leur barbarie, et commencèrent par lui arracher les ongles les uns après les autres.
"Cette jeune fille jetait des cris affreux.
- Eh bien ! brigande, rends-toi, nous cessons de te faire souffrir.
- Faites tout ce que vous voudrez ; mon corps est en votre pouvoir, mais mon âme est à Dieu : il me récompensera de tous les tourments que vous me faites endurer.
Ils lui coupèrent les deux seins ; cette infortunée perdait tant de sang qu'elle s'évanouit : alors ils commirent sur elle toutes sortes d'horreurs.
Un paysan, qui était accouru, leur dit : "Misérables que vous êtes ! n'êtes-vous pas contents d'exercer votre barbarie sur cette pauvre victime ?
Un d'entre eux prit son sabre, et, après l'avoir longtemps poursuivi, tua ce malheureux. Cette horrible catastrophe se passa à Tiffaugges".
Faut-il donc s'étonner si, dans un pays où les républicains d'il y a cent ans pratiquaient ainsi la fraternité, le cri du vive la république ! trouve aujourd'hui si peu d'écho ?
Henri du Bocage
La Vendée Historique
1903