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La Maraîchine Normande
8 mai 2012

PARIS (75) ANGERS (49) - LE CHEVALIER DE BOISPRÉAU (1773 - 1793)

LE CHEVALIER DE BOISPREAU

Il n'y eut point que des Vendéens proprement dits, des Poitevins ou des Angevins dans les rangs de la Vendée militaire. Sans parler de la Bretagne, qui, dès le début, fournit à Bonchamps la phalange la mieux disciplinée de sa division, toutes les provinces voisines eurent bientôt des volontaires, soit dans la Grande Armée, soit dans l'Armée de Charette ; et ces Vendéens d'adoption ne se comportèrent pas moins vaillamment que les frères d'armes dont ils étaient venus partager les lauriers. Il y eut même parmi ces étrangers des Parisiens, et c'en est un que je vais vous présenter.

Si l'on en croit l'ancien secrétaire de Stofflet, Gilbert (Précis historique sur la Guerre de la Vendée, p. 118), notre héros s'appelait, de son vrai nom, Lefranc de Boispréau, et il était le neveu du célèbre poète lyrique Lefranc de Pompignan.

Lefranc ou non, le chevalier de Boispréau était, en tout cas, bel et bien gentilhomme parisien.

Jeune, ardent, et pas républicain pour deux liards, il s'était enthousiasmé, de loin, au récit des premières victoires vendéennes : tellement enthousiasmé, qu'il avait résolu d'aller faire le coup de feu dans les rangs de ces braves paysans qui, avec leurs fourches et leurs bâtons, rossaient si bien les armées de la république !

Mais, comment faire ? Impossible de sortir de la capitale sans un passeport !

Heureusement qu'un Parisien n'est jamais pris ! Le futur insurgé ne fait ni une ni deux : un beau jour il attache une gigantesque cocarde à son chapeau, endosse la carmagnole obligatoire, et court droit au bureau de recrutement où l'on enrôlait les volontaires contre les Brigands de la Vendée.

Le plus fort était fait. Quelques jours après, encadré dans un régiment de hussards, notre Parisien arrivait à Saumur, juste quarante-huit heures avant la prise de cette ville par la Grande Armée ; et l'occasion s'offrit tout de suite à lui de passer aux Vendéens.

 

Vendéens 89

 

Voici en quelques termes, plus tard, au cours de l'expédition d'outre-Loire, le héros racontait lui-même le curieux épisode de sa désertion à Mme de Lescure, qui nous a conservé le récit dans ses immortels Mémoires :

"Je m'appelle de Boispréau, j'ai vingt ans, je suis de Paris ; je me suis engagé dans les hussards, exprès pour passer aux royalistes ; le régiment partait pour marcher contre eux, on me fit brigadier. A peine arrivés à Saumur, nous fûmes avec l'armée à Doué. On se mit en bataille, on disait qu'on allait être attaqué.

Les hussards furent placés en avant, sur les flancs ; je ne voyais ni n'entendais aucun ennemi ; je demandai comment on pouvait croire les Brigands vendéens si proches, on me répondit : "Ils nous entourent, ils sont derrière les haies, dans les chemins creux, et prêts à nous attaquer ; fixez attentivement cette haie si près de nous, vous vous apercevrez qu'il y a quelques mouvements dans les branches ; eh ! bien, derrière, il y a les Brigands."

Je me mis à faire des rodomontades, j'agitais mon sabre et je disais que je voulais tous les tuer ; je m'avançais insensiblement : quand j'eus franchis la moitié de l'intervalle, je mis mon bonnet au bout de mon sabre en criant : Vive le Roi ! Je traversai la haie, et, derrière, je trouvai une centaine de paysans. Le combat commença aussitôt ; sur leur invitation, je mis mon habit à l'envers, c'était l'usage imposé aux déserteurs, et je me battis : je tuai deux hussards, la bataille fut gagnée.

J'avais été fort étonné de l'équipement des hommes avec lesquels j'étais, de leur ignorance de toutes choses militaires ; je me figurais que je n'avais autour de moi que des éclaireurs, des enfants perdus. Après le combat, je fis mille question : - Quel est votre général en chef ? - Il n'y en a pas (Ce fut seulement quelques jours après, le 12 juin, que Cathelineau fut élu généralissime). - Quel est le major-général ? - Il n'y en a pas. - Mais vous avez des colonels ? - Il n'y en a pas. - Qui donne le mot d'ordre ? - On n'en donne pas. - Qui fait les patrouilles ? - On n'en fait pas. - Qui monte la garde ? - Il n'y en a pas. - Où sont les ambulances ? - Il n'y en a pas. - Où sont les magasins de vivres ? - Il n'y en a pas. - Où fait-on la poudre ? - On n'en fait pas. - D'où la tire-t-on ? - On la prend aux Bleus. - Quelle est la paye ? - Il n'y en a pas. - Qui fournit les armes ? - Nous les prenons aux Bleus."

J'allais d'étonnement en étonnement et je me disais : il n'y a rien ici de ce qui constitue une armée, mais je ne puis douter que nous venons de bien rosser les républicains qui l'avaient été hier à Vihiers. Toutes ces merveilles me confondaient. Dès le lendemain, nous les battîmes à Montreuil, puis à Saumur. A présent je me suis accoutumé à cette façon de faire la guerre." -

Il disait tout cela de la manière la plus comique", ajoute Mme de La Rochejaquelein.

Avouez que notre Parisien avait joliment fait la nique aux Bleus, et que le récit de son ralliement à l'armée Vendéenne valait bien la peine d'être recueilli par la noble historiographe de la Vendée Militaire !

 

La Vendée Historique - 1906


 

LEFRANC DE BOISPRÉAU
Né à Paris en 1773.

Engagé volontaire dans les Hussards en 1793, il y devint brigadier fourrier. Cet engagement cachait en vérité ses opinions royalistes : sachant que son bataillon allait être envoyé en Vendée, il espérait ainsi rejoindre les Vendéens. Ce qu'il fit à Doué en juin 1793. Son bataillon faisant face à l'Armée vendéenne, il s'avança au galop entre les deux armées, les défiant, et profita de l'effet de surprise pour se jeter dans les rangs vendéens, retournant aussitôt son fusil sur ses anciens compagnons du régiment de Hussards.

Il devint vite officier et s'illustra par un extraordinaire fait d'armes au lendemain de la prise d'Angers. Avec uniquement trois amis (du Chesnier, Magnan et Dupérat), il s'empara de la ville de La Flèche en faisant croire qu'ils étaient d'avant garde de plusieurs milliers de Vendéens. Ils se firent remettre les écharpes du Conseil municipal, firent brûler l'arbre de la liberté et on leur offrit la meilleure table d'une auberge ... Le pot-aux-roses découvert, ils furent sauvés par des sympathisants et parvinrent à rentrer dans Angers sains et saufs. Il devint alors l'aide de camp du Prince de Talmont.

Lors de la bataille de Luçon, le 30 juillet 1793, il fut attaqué par quatre cavaliers à la fois. Il en tua deux, se défit du troisième et jeta son pistolet à la face du dernier en lui criant une phrase qui resta célèbre et que les Vendéens par la suite prononçaient dans les moments difficiles : "Vive le Roi quand même ..." !

Il fit la Virée de Galerne, mais il fut tué lors de l'attaque d'Angers, le 13 frimaire an II (3 décembre 1793).

Vendéens et Républicains dans la Guerre de la Vendée - Frédéric Augris - Tome Ier - 1993

 

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