Un soir à La Verrie ...
Un soir, à la Verrie, le fermier Guitton, de la Tour, rentre chez lui. Spectacle affreux : sa femme pendue à la poutre du plancher ; ses deux petits enfants sont accrochés par le cou à la crémaillère !
Toute la nuit, Guitton, seul, veille ses morts. Parfois il prie, et parfois il pleure. Une rage sourde gronde en lui. Ah ! tenir ces bandits, et leur faire payer leur crime !
Le matin venu, son plan est fait. Il aiguise sa serpe. Il descend dans le petit vallon qui sépare la Tour de la ferme du Cou en face. Dans ce vallon encaissé et sauvage, il le sait, des Bleus isolés s'aventurent souvent, de jour comme de nuit. Au fond du vallon, plusieurs routins se croisent, et les Bleus hésitent parfois, ne sachant lequel prendre.
Guitton regarde l'échalier qui sépare le chemin du routin de Mortagne. Il calcule, et, finalement, se dit : oui ! c'est là !
Il attend, faisant mine de "parer" un buisson. Enfin, un Bleu paraît. L'air innocent, Guitton s'approche. le soldat semble s'orienter.
- Citoyen, lui dit Guitton, vous paraissez en peine. Où allez-vous donc comme ça ?
- A Mortagne.
- Alors, c'est par ici.
Il le conduit jusqu'à l'échalier. A l'instant où le Bleu enjambe, Guitton l'empoigne d'une main nerveuse par les cheveux, lui rabat le nez sur l'échalier, et, poussant un han ! vigoureux, lui rassène un terrible coup de serpe. Une tête grimaçante se balance maintenant au bout de sa main !
Guitton range le cadavre. Dans le pré voisin, il creuse un trou ; il y "en roche" le Bleu. Puis, toujours calme, il reprend sa faction.
On dit que, deux mois plus tard, il y avait, dans le "Pré aux Bleus", dix-sept tombes.
Abbé BILLAUD
Bulletin paroissial Saint-Jean-de-Monts - 1948