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La Maraîchine Normande
19 avril 2012

TISSERAND, MOINE TRAPPISTE ET COMBATTANT DE LA GRANDE ARMEE

Joseph Prudhomme naquit à Vezins en 1734, d'une humbre famille d'ouvriers. Il exerça d'abord le métier de tisserand, puis entra à la Trappe de Bellefontaine en qualité de Frère convers.

Il y avait trente-cinq ans qu'il s'y trouvait, heureux d'avoir librement aliéné une partie de sa liberté, lorsque la révolution vint déclarer la guerre à l'Eglise et commença les hostilités en décrétant la suppression des congrégations religieuses.

Chassé de son couvent et proscrit, le vieux Frère convers avait néanmoins conservé son costume religieux, et il s'était bien juré de passer de la résistance passive à la résistance active, si jamais l'occasion s'en présentait. Aussi, lorsque l'insurrection éclata dans les Mauges, fut-il l'un des premiers à faire le coup de bâton d'abord, puis le coup de fusil dans les rangs des volontaires de Cathelineau et de Stofflet.

Malgré ses soixante ans, il fit bravement toutes les campagnes de la Grande Armée, y compris celle d'Outre-Loire, et s'il jeûnait souvent "pour avoir la victoire", cela ne l'empêchait pas de courir sus aux Bleus et de taper dans le tas, en rivalisant de vigueur avec les plus solides gâs des bandes angevines.

Echappé au désastre de la Grande Armée, il se cacha sur les rives de la Loire et réussit, pendant quelque temps, à déjouer les patrouilles républicaines qui faisaient la chasse aux pauvres Brigands dispersés.

Il finit cependant par être arrêté et fut conduit à Angers, où on le jeta en prison.

Comme tant d'autres qui, en présence de la guillotine, essayèrent de sauver leur tête en reniant la cause qu'ils avaient servie, il eût pu tout au moins être tenté de dissimuler : d'autant plus qu'aucun témoin ne le chargeait.

Mais l'intrépide Frère convers n'entendait point de cette oreille : il tenait à revendiquer hautement la responsabilité de ses actes, et nous allons voir, d'après un document officiel, avec quelle dignité et quel héroïsme, il répondit aux pourvoyeurs de guillotine qui s'étaient constitués ses juges.

Après un premier interrogatoire sommairement expédié par le Comité révolutionnaire d'Angers, le vieux Trappiste comparut et répondit de la façon que voici, le 26 mars 1794, devant la Commission militaire chargée de l'envoyer légalement à l'échafaud :

" D. - Quels sont vos nom, âge, qualité et demeure ?

" R. - Joseph Prudhomme, 60 ans, né à Vezins, tisserand, frère convers à la Trappe pendant 35 ans.

" D. - Parliez-vous souvent dans votre couvent ?

" R. - Je parlais quand j'avais quelque chose à dire aux supérieurs.

" D. - Avez-vous prononcé le voeu de chasteté ?

" R. - J'ai prononcé les trois voeux de chasteté, de pauvreté et de stabilité.

" D. - Depuis que vous êtes sorti des Trappistes, vous êtes-vous marié ?

" R. - Non, j'ai conservé mes voeux.

" D. - Est-ce pour maintenir le voeu de stabilité que vous avez fait partie de l'armée des Brigands.

" R. - Oui.

" D. - Dans ce rassemblement de bandits vous n'avez pas sans doute observé le voeu du silence ?

" R. - Quand on est dans la foule on ne peut s'empêcher de parler.

" D. - Combien avez-vous tué de patriotes en gardant le silence ?

" R. - Je ne le sais pas. J'ai été dans la foule, et si j'avais pu, j'en aurais beaucoup tué.

" D. - Vous ajoutiez foi sans doute à la résurrection des brigands que tuaient les patriotes ?

" R. - Certainement, mais cependant je n'en ai pas vu ressusciter jamais.

" D. - Croyez-vous également à la résurrection des patriotes ?

" R. - Je crois tout ce que notre mère la sainte Eglise, catholique apostolique et romaine, nous propose de croire, parce   Dieu le lui a révélé.

" D. - N'étiez-vous pas l'aide-de-camp de l'évêque d'Agra ?

" R. - Non, mais je l'ai servi à table.

" D. - Quel grade aviez-vous dans l'armée catholique ? Etiez-vous dans l'infanterie ou dans la cavalerie ?

" R. - J'étais comme tous les autres à pied.

" D. - Vous étiez sans doute le prédicateur de la colonne que vous commandiez ?

" R. - Non, mais j'exhortais mes frères à aller à la guerre.

" D. - Quel était votre costume à l'armée ?

" R. - Je portais celui de Trappiste.

" D. - Combien de communes avez-vous perverti par vos exhortations ?

" R. - Je n'en sais rien.

" D. - Quelle arme aviez-vous ?

" R. - Un sabre et un fusil.

" D. - Avec votre voeu de chasteté vous aurez sans doute fait celui de dire la vérité ?

" R. - Oui.

" D. - Vous ne dîtes cependant pas la vérité puisque vous avez dit au comité révolutionnaire que vous étiez armé d'une pique ?

" R. - Je me suis trompé dans ce moment.

" D. - A quelles batailles vous êtes-vous trouvé ?

" R. - Cholet et Châtillon.

" D. - Combien avez-vous tiré de coups de fusil dans ces batailles ?

" R. - Je n'en sais pas le nombre.

" D. - Combien avez-vous donné de coups de sabre ?

" R. - Je n'en sais rien non plus.

" D. - Portiez-vous la cocarde blanche ?

" R. - Oui.

" D. - Criiez-vous souvent "Vive le Roi" ?

" R. - Toutes les fois que nous avions victoire, je criais : "Vive le Roi ! Vive la famille royale !"

" D. - Vous qui étiez habitué à jeûner dans votre couvent, vous aurez sans doute jeûné aussi à l'armée ?

" R. - Je jeûnais très souvent pour avoir la victoire.

" D. - Y avait-il beaucoup de femmes dans l'armée catholique ?

" R. - Oui, mais il en prit envie d'aucune."

(Archives de la Cour d'appel d'Angers et Anjou Historique, 6è année, P. 306)

Le vaillant Trappiste fut condamné à mort séance tenante et exécuté ce jour même, 26 mars 1794, sur la place du Ralliement. Il marcha à l'échafaud la tête haute, et certainement avec une conscience beaucoup plus tranquille que celle des assassins froussards qui ne l'avaient condamné que par peur, - pour sauver leur peau !

La Vendée Historique
1906

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