LES COLONNES INFERNALES A SOULLANS
1794 ! Ce fut l'an rouge de la République ... Comme tant d'autres paroisses , Soullans qui déjà a eu ses martyrs , connut en ce milieu de I794 la plus angoissée de ses saisons .
Cela commença par le retour du maire à Soullans . En effet Pierre Guesneau on s'en souvient , s'était sauvé devant la levée paysanne jusqu'à la Chaume chez son beau - père Boulineau ou il se sentait plus en sécurité . Mais aussitôt la chute de Noirmoutiers , repris par les Jacobins , le District de Challans voulant réorganiser les communes , sommait le transfuge de reprendre la mairie de Soullans s'il ne voulait pas paraître suspect .Sans tarder Guesneau reprit le chemin du marais .
A peine arrivé à Soullans pour faire montre de civisme , avec une vingtaine et plus de soullandais soigneusement endoctrinés , monta à Challans avec drapeau tricolore et chants d'hymnes révolutionnaires , affirmer au district : sa soumission aux lois et sa fidélité à la République ...
On s'anima jusqu'à dénoncer les chefs instigateurs et autres scélérats auteurs de cette malheureuse guerre . On alla même jusqu'à offrir les yoles disponibles pour les arrêter aux lieux de leur retraite ...
De plus on jurait de prendre la résolution de demander à Carrier ( le sinistre représentant du peuple à Nantes ) amitiés, fraternité et lui offrir le partage des subsistances !
Du coup , le district applaudit ...Et le douteux Guesneau apparut comme un pur parmi les purs!. A cette mascarade devait , hélas , succéder la tragédie .
Dès la fin de Février entrent en campagne les COLONNES INFERNALES, lancées pour incendier le pays .
C'était la tactique de 1a terre brûlée .
Il faut que nul homme, nul animal ne puisse trouver sa subsistance dans la Vendée .
..clamait le citoyen Fayau député du Département à la Convention
Ce déluge de feu et de sang recouvrit Soullans .
A Bréchard fut établi le camp des Bleus ..
Il comptera jusqu'à 4.000 soldats .
Puis 9 compagnies du Ier bataillon de la 74 ème demi-brigade s'installent dans le bourg . On occupe l'église les halles et le Logis du Bois. Passé poste militaire, le bourg par contre va échapper au feu .
Mais l'implacable consigne va se revancher dans le fief et sur les rives. Là tout sera proie offerte aux brandons sauf les domaines nationaux , les métairies des bourgeois patriotes ..et les chaumières cachées dans un pli de terrain ou masquées par la barre d'un talus boisé ... De l'aveu officiel , un tiers des maisons flamba.
Ainsi disparurent pour ne plus reparaître d'antiques fermes : La Guilloterie , les Ruleries , les Grimaudres , la Relette ...
De leur marais , à l'abri des fossés ,les maraîchins assistaient impuissants à la ruine du pays haut !
Grimaud le diable, allume ses feux de joie, gémissaient-ils en regardant brasiller l'horizon. Puis la nuit venue, ils piquaient sur les yoles vers les rives sûrs d'avoir à embarquer des misérables sans abri du champ ou de l'avant bocage , accourus là avec une brassée de hardes , un sac de seigle et quelques pièces de bétail.
En ces jours atroces , le marais s'ennoblira de la plus haute charité . Les greniers étaient bien suffisamment garnis mais on ne pouvait faire moudre le grain : les moulins de Belle Rive , du Soullandeau , de Bel Air , des Haut et Bas Pié d'Oye ,de la Rivière ne viraient plus par ordre du I5 Mars , porté pour affamer les brigands réfugiés au marais . Leurs vergues et apparaux avaient été rompus . Pas de farine , pas de pain. On mangeait du gaboreau bouilli à la marmite avec un soupçon de sel . Réfugiée au pré de la Loge , la maisonnée des Caillon du Pin aura pour se nourrir les 5 premiers jours que des fèves grillées..
En dépit de cette détresse , on ne s'arrêtait pas à calculer. La maxime : à la grâce de Dieu , avait un sens pour ces chrétiens . Tout réfugié trouvait au marais pitance et asile fraternellement .
Volontiers les Bleus corsaient les incendies d'une chasse à l'homme. Le 5 Germinal , fête de N.D. de Mars ( 25-3- 1794 ), après le brulange,une patrouille tombe, au Soullandeau sur la cache de 6 malheureux laboureurs. Il nous faut tout le tremblement avec ses 7 sacrements , gouaille le bel esprit de la troupe. Le Pin est tout, proche, Caillon le fermier n'avait pas voulu partir au marais et veillait, parmi les ruines sur son mobilier noyé prudemment sous les eaux noires des douves . L'infortuné ! à travers les pâtis , les bleus le poursuivent et l'attrapent. Ils ont les 7 sacrements ! Le lendemain matin leurs corps gisaient au carrefour de Pié d'Oye tout tailladés .
D'autres horreurs plus terribles encore s'abattront sur de petits enfants et leurs mères dont la plume hésite à en rappeler le délire. Il y encore quelques années ne contait-on pas à Soullans que la Gautrelle des Quatre Chemins folaya d'avoir vu un sergent se réjouir des spasmes d'agonie d'une petite innocente au berceau qu'il venait d'embrocher de sa baïonnette comme un poulet .
Une autre rafle faite sous l'instigation du maire Guesneau engloba onze hommes , femmes et jeunes filles du bourg .
François Ricolleau , aubergiste et conseiller du bourg et ses 3 filles Rose , Françoise et Louise mariée à Jacques Crochet hôte de la Croix d'Argent
Marie Guillot , femme de Jean Déau : maçon Christophe Pontoiseau , tisserand
Anne Joly femme de François Giraudet , poissonnier
Marie Brémaud , sœur de l'huissier Jean Joseph Brémaud
Louis Allaire , charron
André Papon , marchand
Et Jean Chauvet voiturier
La pitoyable équipe expédiée à Challans ne tarda pas à prendre le chemin de Noirmoutiers .Le 20 Avril, de Noirmoutiers on demandait .à la municipalité de Soullans de fournir des déclarations et des charges sur ces individus .On devine la suite tragique .
LE MARAIS TOMBE
Au milieu de cette tourmente , la paroisse de Soullans animée par Mr Noeau, continuait, en marais , avec son église au Clouzil et son cimetière à la Pérouaille . Mais son destin s'achevait . L'arrière saison de I793 avait été chiche de pluies et l'eau ne pouvait atteindre aux terriers des canaux. Le général Dutruy voulut en finir avec le Marais. Il mit au point un plan d'invasion suggéré d'ailleurs par Raphaël Bodet Lacroix de la Mongie !
Six colonnes , munies de chevrons et de planches propres à franchir les écours et les taillées convergèrent des rives vers le bourg du Perrier à l'improviste . Le Marais de Soullans tombait avec ceux du Perrier et de St Jean de Monts ,aux mains des Bleus . A nouveau la prise du Marais donna au général républicain Dutruy la fièvre du massacre et du pillage . Il estimait à 50.000 pièces le réservoir en bêtes du marais . Le marais aussi , pensait - il devait regorger de froment, d'orge et de fèves fabuleuses .Pour ramasser tout cela il demandait le renfort de I 500 pionniers ! Par contre pour le massacre : ses hommes suffiraient .. A nouveau d'affreuses tueries ensanglantèrent notre pauvre Marais . Voyant tout cela , Mr Noeau partageait l'infortune de ses maraîchins ! Toutefois , Dutruy n'eut pas le loisir de saigner à blanc le Marais .
LA ...PICOTE ...
Se mit à courir parmi son monde qui 1'obligea à ramener ses forces à leur bivouacs de Challans , d'autant plus qu'une autre nouvelle court au District :
CHARETTE ...arrive !
..Charette, en effet avait appris la tombée du marais aux mains des Républicains.. Et le Marais : c'était son Marais ..Son terrain de prédilection .
De Legé , Charette monta donc sur Challans avec ses troupes grossies d'un corps de Dannions de Sapinaud et d'Angevins de Stofflet . En tout 7 à 8.000 soldats . Mais Dutruy était averti du mouvement de Charette . Il fortifie Challans et attend de pied ferme . Le 6 Juin I794, l'armée royaliste arrive aux portes de Challans . L'attaque est acharnée ..sauf de la part des Angevins . Admirables pour un choc ,les Vendéens n'entendent rien aux nécessités d'un siège . Malgré l'héroïsme de Charette , de Guérin ,du vieux Joly qui livrrait son dernier combat les gars se débandèrent découragés . Challans restait aux Bleus . Le lendemain , 26 hommes de l'armée de la République passeront leur journée à enterrer les morts de cette affaire du I8 Prairial ...
A SOULLANS ... NOUVEAUX. MASSACRES
A Soullans , cette affaire manquée suscite des représailles ...
le I3 Juin : 60 hommes du bourg et des Rives sont arrêtés et conduits à Challans!
Liés en chaîne, 24 parmi eux seront annotés défavorablement par Bodet Lacroïx et Merland dont :
Jacques Poitevin : maçon:
René Julien Papon , maréchal
Louis Gaudineau , métayer du Bois
Sournoise condamnation à mort ..les 24, infortunés étaient fusillés le I3 - 6 -I794
le lendemain matin ,mis en goût , les soldats , s'attaquaient aux survivants . Ils en avaient déjà massacré deux quand intervint Charles Savin , pourtant révolutionnaire et pataud bourru mais très indépendant et qui se répandit en âpres propos contre ses collègues administrateurs du district au sujet du massacre . Pour sa défense , le District voulut se retourner contre Soullans et son maire.
A SOULLANS, nouveau Maire (le deuxième)
Justement Guesneau , qui faisait souvent le voyage des Sables où se trouvaient encore sa femme et ses enfants , n'était pas à Soullans ce jour-là . On imputa à cette absence tout ce qui venait d'arriver . Le 25 Juin , il était destitué et remplacé par le médecin JOUHENNEAU , déjà suppléant de Guesneau dans ses absences .On se souvient que ce Jouhenneau alors procureur de la commune , avait ,la nuit du 8 au 9 Mai I793 , fait descendre les cloches de la tour de l'église !
A Jouhenneau, on adjoignait comme officiers municipaux
François Ricolleau ,
Fidèle Crochet , boulanger au bourg
Jacques Gaborit , empirique à la Sauvagette
LE COMBAT DE SOULLANS
Entre temps, aux derniers jours de Juin I794 , par un heureux coup de mains , les Royalistes reprenaient le Marais ..Voici comment..
A la tête de 4 ou 500 risque tout , rôdait à l'avant bocage , l'un des plus aventureux lieutenants de Charette : Pajot de Bouin , ancien marchand de beurre . Entre Palluau et St Christophe, il tomba sur un gros convoi républicain de munitions et de vivres . S'en empara et d'un trait se réfugia au marais du Perrier . L'événement fit merveille .
En un clin d'œil les Maraîchins sortirent des caches les canardiers muets .Le soir même , du premier au dernier les postes républicains du marais étaient désarmés .. L'octave de la fête-Dieu était passée de quelques jours :du 26 Juin .On sait de quel cœur , nos anciens attendaient chaque année le retour du grand et petit Sacre . Mr Noeau sentait à l'unisson de son peuple . Aussi s'empressa-t'il d'organiser au début de Juillet une procession du Saint Sacrement .. Manifestation unique : Les Maraîchins en verront-ils d'aussi émouvante ? Elle se déroula au bourg du Perrier .Ce devait être la dernière joie du vaillant curé de Soullans!
En effet les généraux républicains décidaient une offensive immédiate contre Pajot campé à la Longée du Perrier ..Le lendemain de la belle procession de la Fête Dieu , à basse heure , deux fortes colonnes envahissent le marais par la Mongie et le Grand Pinier .Le pays ne se prête guère aux surprises . La marche des bleus , tout de suite est signalée ...
Tué dans les Hautes Herbes de son marais tant aimé !
Ceux des maraîchins qui sont armés se hâtent de prendre le large vers le Perrier . Mr le curé finissait de dire sa messe dans la grange du Clouzil . Il suit ses paroissiens dans leur repli . Déjà Pajot de la Longée proche, conscient du danger s'avançait pour barrer le passage aux républicains . Le choc se produisit au Marieau . Par la suite on l'appela :"le Combat de Soullans ". La lutte fut longtemps indécise jusqu'au moment ou la troupe de Pajot prise à revers par un gros de bleus accourus des Cornières , se sentit perdue .
Ce fut la panique et le sauve qui peut .
Saisi dans la débandade , Mr le curé Noeau prit la course lui aussi , accompagné fidèlement de Henri Barillon (fils de ce Barillon de la Gabeterie qui était tombé en I79I à St Christophe en criant : Rends moi mon Dieu .
Comme les deux fugitifs , empêtrés dans les hautes herbes d'un pré de fauche qu'ils traversaient , ralentissaient d'allure , des soldats républicains les rejoignirent , à la Prée Ronde du Perrier et sans pitié les massacrèrent !
On retrouva , écroulés , sanglants , côte à côte : Mr le curé et son valet , fraternellement unis jusque dans la mort . Mr le curé portait sur lui "les Saintes Espèces" comme jadis au temps des Catacombes St Tarcisius : Le martyr de l'Eucharistie.
Mr l'abbé Noeau avait 35 ans ! On était aux premiers jours de Juillet I794 . Il mesurait 5 pieds de haut . Avait les cheveux et sourcils noirs la bouche grande et la figure ronde !
Le I2 Février I797 sa sœur Jeanne obtiendra que lui soit rendu l'héritage de tous ses biens mis sous séquestre ... On ne sait ou fut inhumé Mr le curé Noeau ...Au cimetière de la Pérouaille ? son cimetière ? comme le prétend une vieille tradition maraîchine ? Rien de sûr !
Ce qui est certain : c'est que l'ère des tueries s'achevait à Soullans avec la mort de Mr le curé Noeau .
LES REQUISITIONS
Délivrés de Pajot et de ses partisans , les Républicains s'enhardirent à exploiter à fond les soullandais surtout les maraîchins .
Les premiers réquisitionnés :
jean Bernard , de la Douve
René Vrignaud des Aives
Jean Besseau de Colombe
André Martineau des Classes , et
Joseph Guittonneau des Rochelles
connus pour leurs sentiments royaliste , reçurent sommation de parquer au bourg tout le bétail propre à la boucherie qu'ils nourrissaient ! Ni les uns ni les autres n'étaient d'humeur à se laisser faire ...Sans bruit , ils dispersèrent à l'affiage chez d'autres fermiers de St Hilaire et du Perrier leurs troupeaux : à charge de revanche ; en ce temps là l'honneur comptait ! Au jour de la Réquisition , les gendarmes trouvèrent étables et pacages vides ! On eut d'autre ressource que d'appréhender au corps les récalcitrants: quelques jours de prison ! belle affaire pour des Maraîchins défendant leur fait.
LES TRANSPORTS
Une permanence des transports ne fut-elle pas ensuite imaginée par le rancuneux Bodet Lacroix de la Mongie qui gouvernait le bureau militaire du District et qui ne pardonnait pas à ses compatriotes de méconnaître son génie ! Il s'agissait d'assurer les transports à l'usage de, l'armée .Y était assujetti tout bouvier possédant attelage et charette ...Et les gars soupçonnés du bord des rebelles ne chômaient pas : charrois par ci charrois par là : à Nantes , aux Sables, à Montaigu à Ste Hermine . Au pas lent des bœufs , par des chemins de terre , de vrais voyages de six à sept jours . La brimade n'eut qu'un temps .Les bouviers soullandais refusèrent de mettre le joug à leur bêtes : la loi ne marquait elle pas la durée d'un charroi à un maximum de 5 jours francs
Le BLE très cher
Autre tour des Soullandais !
Le Marais jadis était très fertile non seulement de ses prés mais aussi de ses terrains de labours ou mûrissaient des blés et des orges renommés des négociants en grains ..Par les temps qui couraient les greniers soullandais étaient encore bien garnis .Les Vainqueurs n'ignoraient pas ce détail .Le IO Octobre I794 ils mirent en réquisition pour Soullans : 400 quintaux de froment et de gaboreau...
Les marchés de Challans avaient lieu le primidi de chaque décade (selon le nouveau calendrier révolutionnaire ). De ses 400 quintaux , Soullans devait alimenter le minage de la 3 ème décade .On le sait : rien n'est plus puissant que la force de 1'inertie .Le grain soullandais demeura dans les arches . Et ce , même quand Soullans eut lui-même son marché local : le 2I - 12 - I794 ! Il fallut que les grenotiers de la République aillent marchander eux - mêmes à domicile . Bien entendu , pour eux le blé était à I2 écus le boisseau de Challans : 6 fois le cours pratiqué aux gens du pays !
http://p.martineau.free.fr/soullans/15.html
Je souhaite savoir quelles sont vos sources pour l'écriture de ce texte sur les colonnes infernales à Soullans.
Vous remerciant