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La Maraîchine Normande
14 avril 2012

Françoise-Thérèse de Choiseul-Stainville, Princesse de Monaco

Françoise-Thérèse de Choiseul-Stainville, Princesse de Monaco (1767-1794)

 

 

Françoise-Thérèse, la jeune fille en rose

Elle était la fille de Jacques-Philippe de Choiseul, comte de Stainville (1727-1789) et de Thérèse de Clermont d'Amboise (1746-1789)

Extrait du livre "Les femmes enceintes devant le tribunal révolutionnaire" concernant la Princesse de Monaco (Dr Max Billard) :

Dans cette sanglante tragédie, plus terrible que toutes celles de Néron, plus d'une femme dont les minutes étaient comptées, eut recours à tous les subterfuges, sacrifia jusqu'à son honneur pour sauver ses jours. Les malheureuses condamnées savaient qu'une déclaration de grossesse les rendait inviolables et les protégeait. N'ayant pas le choix des moyens pour se soustraire au supplice, bien des femmes se déclaraient sur le point d'être mères après avoir fait ou dit avoir fait ce qu'il faut pour l'être dans le but d'obtenir un sursis que le tribunal, sur avis des médecins, n'osait pas toujours refuser. L'amour de la vie ne justifiait-il pas la défaillance, l'aveu d'une faute contre le devoir ou la pudeur ? Mais c'était seulement retarder le moment fatal. Tout autre que Fouquier-Tinville eût oublié ces malheureuses dans leur prison ; l'accusateur public, qui ne marchandait pas sa peine, ne perdait pas de vue les futures mamans ; il se faisait rendre compte de leur état, guettait son heure, quand sans sursis, il ne livrait pas froidement les pauvres femmes au bourreau.

On connaît cette touchante histoire que M. Georges Montorgueil a contée, il y a quelques années dans l'Eclair : "Il n'y a pas à épiloguer, écrit-il - bloc ou pas bloc - l'exécution de Mme de Monaco fut un crime". Elle ne dut d'être suspecte qu'à sa naissance.

Françoise-Thérèse de Choiseul avait vingt-sept ans, et avait été mariée jeune, en 1782, au prince Joseph de Grimaldi Monaco, second fils d'Honoré III.

 

 

 

Le prince Joseph avait quitté la France lorsque les évènements  lui parurent tout à fait menaçants. La princesse, sa femme, après avoir suivi son mari, était rentrée ostensiblement en France, ne pouvant supporter l'éloignement de ses deux filles qui y étaient restées. Elle avait été une première fois arrêtée au printemps de 93, comme femme d'émigré rentrée. L'intervention de son beau-père avait eu pour résultat de faire connaître sa qualité d'étrangère et elle avait été remise en liberté sous caution. Ce fut la section de la Fontaine de Grenelle qui la fit mettre en arrestation le 10 ventôse an II, comme conspiratrice. Lorsqu'on la décréta, elle s'était réfugiée chez une amie , elle songea qu'elle pouvait la compromettre, elle gagna la campagne, mais bientôt, fatiguée de cette vie nomade, elle revint à Paris où elle se laissa prendre dans l'ancienne abbaye de Panthémont. Incarcérée à Sainte-Pélagie, elle s'y trouvait en même temps que l'épicier Cortey, le Comte de Laval-Montmorency, le Marquis de Sombreuil, l'ancien Gouverneur des Invalides. On raconte qu'à travers les fenêtres du corridor, l'audacieux épicier, un jour de belle humeur, envoyait des baisers à la jeune, belle et intrépide princesse, d'une vie si pure au scandale d'un autre détenu, le Marquis de Pons, grand seigneur jusqu'au bout, qui ne put s'empêcher de lui faire remarquer son attitude inconvenante et de lui dire avec hauteur : "Il faut que vous soyez bien mal élevé, monsieur Cortey, pour oser vous familiariser ainsi avec une personne de ce rang là ; il n'est pas étonnant qu'on veuille vous guillotiner avec nous, puisque vous nous traitez en égaux."

Le Marquis de Pons ne se trompait pas : Cortey fut guillotiné avec lui, et la Princesse de Monaco devait le suivre un mois plus tard.

Quand on lui remit son acte d'accusation, cette femme pleine de grâce, de charme et de courage, refusa de le lire. C'était à ses yeux une formalité de mort qui ne valait pas l'honneur d'être discutée. Pas la plus légère émotion n'altéra ses traits ... Elle fut condamnée à mort.

La Princesse de Monaco se déclara enceinte "de trois mois, ayant eu un commerce charnelle (sic) avec une personne dont elle ne voulut pas donner le nom", et fut envoyée à l'hospice spécial du Tribunal révolutionnaire. Elle n'y resta qu'une nuit.

Le soir même du jugement, elle voyait arriver dans sa cellule trois personnes, deux hommes et une femme ; c'étaient le médecin Enguchard, l'apothicaire Quinquet et la veuve Prioux, qui venaient s'assurer de la véracité de ses dires.

Ils dressèrent ainsi le procès-verbal de leur visite :

"Nous avons examiné et visité la nommée Thérèse Stainville, épouse de Joseph Monaco, âgée de 26 ans, déclarée être enceinte de deux mois et demi. Notre examen ne nous a fourni aucun signe de grossesse. Ce 8 thermidor, l'an 2e de la république une et indivisible. (signé) Enguchard, Quinquet, veuve Prioux".

Ce n'est pas sans un véritable étonnement qu'on voit figurer au bas de ce procès-verbal le nom de l'apothicaire Quinquet. Nous allons le voir figurer encore au bas des procès-verbaux de visite de Mme Sabine de Viriville, de Mme de Butler et de la femme Quévrin. Cette indiscrète attitude du pharmacien de l'hôpital n'avait pas été sans choquer l'économe de l'hospice qui, la 3e sans-culottide an III, protestait lui-même contre les étranges agissements du maître apothicaire, dans une lettre à la commission des administrations civiles, police et tribunaux :

Citoyen ... Il faudra encore que le pharmacien en chef ne s'occupât en aucune manière des malades et des maladies, auxquelles il entend bien moins qu'à sa pharmacie ; on l'a vu s'ériger en officier de santé, signer des rapports souvent dictés par la passion, enfin aller jusqu'à visiter des femmes qui étaient déclarées enceintes d'un mois, six semaines, plus ou moins, qui n'en ont pas moins été conduites à la mort, quoique toute la médecine de tous les temps s'accorde à dire qu'il est impossible de prononcer un jugement certain sur la grossesse ou une grossesse d'une femme avant quatre mois et demi ; une telle conduite dans la personne d'un homme qui n'a nulle connaissance dans cette partie ne peut être que le fruit du libertinage. Tu peux, citoyen commissaire, te convaincre de la vérité de tous ces faits quand tu jugeras à propos. Salut et fraternité.

(signé) RAY, économe

La Princesse de Monaco venait à peine de subir l'examen médical qu'elle écrivait à Fouquier-Tinville :

Je vous préviens, citoyen, que je ne suis pas grosse. Je voulais vous le dire ; n'espérant plus que vous veniez, je vous le mande. Je n'ai point sali ma bouche de ce mensonge dans la crainte de la mort, afin de couper moi-même mes cheveux et de ne pas les donner coupés par la main du bourreau. C'est le seul legs que je puisse laisser à mes enfants, au moins faut-il qu'il soit pur.

La lettre portait cette suscription : Au citoyen Fouquier-Tinville (très pressé).

La Princesse avait employé le répit que lui avait procuré son héroïque mensonge à briser un carreau de vitre et à scier ses cheveux avec un morceau de verre. Elle en fit un paquet auquel elle joignit deux lettres, l'une pour la gouvernante de ses filles, l'autre pour ses enfants qui sont devenues, l'une Mme de Louvois et l'autre Mme de La Tour du Pin.

Les lettres ne sont jamais parvenues à leur adresse. On les a retrouvées dans les papiers de Fouquier-Tinville ; elles y sont encore.

Elle dit à la gouvernante : "Que Louise sache la raison qui m'a fait différer ma mort qu'elle ne soupçonne pas de faiblesse."

Et à ses enfants avec l'éloquence du dernier adieu :

"Mes enfants, voilà mes cheveux, mais je voulais pouvoir couper moi-même cette triste dépouille pour vous la donner ; je ne voulais pas qu'elle le fût par la main du bourreau, et je n'avais que ce moyen ; j'ai passé un jour de plus dans cette agonie, mais je ne m'en plains pas ; je demande que ma chevelure soit sous un bocal, couvert d'un crêpe noir, serrée dans le courant de l'année et découverte seulement trois ou quatre fois dans votre chambre, afin que vous ayez devant les yeux les restes de votre malheureuse mère qui mourut en vous aimant."

"Ces derniers devoirs accomplis, écrit M. G. Montorgueil, la Princesse de Monaco était prête pour le sacrifice. Il ne se fit pas attendre. L'ordre d'exécution fut donné" le 9 thermidor, - le neuf thermidor, que n'attendit-elle un jour de plus ! "Jusqu'au bout - c'est toujours M. G. de Montorgueil qui parle, - superbe d'intrépidité et voulant donner au peuple l'exemple d'une belle mort, elle redoutait cependant qu'une humaine faiblesse, en chemin, ne la trahît, et elle se mit sur les joues du rouge qui devait en masquer la possible pâleur."

Puis elle sortit, à la fille, du quartier des femmes, sans montrer d'autre émotion que celle d'une légitime indignation contre ses bourreaux ; elle adressa ces fières paroles aux détenus qui se pressaient sur son passage : "Citoyens, je vais à la mort avec toute la tranquillité qu'inspire l'innocence ; je vous souhaite un meilleur sort."

 

On prenait alors ainsi une leçon pour mourir.

S'adressant ensuite à une de ses femmes enveloppée dans la même proscription, mais dont l'abattement contrastait avec la fermeté de sa maîtresse : "Courage, ma chère amie, du courage, lui dit-elle ; il n'y a que le crime qui puisse montrer de la faiblesse."

Les gens qui savaient vivre savaient mourir.

 

 

 

La Princesse de Monaco monta fièrement à l'échafaud à la place du Trône. Le lendemain - le sol repoussait le bourreau - l'instrument de mort était dès le matin reporté à la place de la Révolution. C'était le tour de Robespierre, ce devait être celui de Mme Tallien.

Après le départ de la condamnée, on trouva dans le cachot qu'elle occupait, "un jupon de bazin blanc garni, deux chemises de femme, une camisolle de taffetas bleu, quatre mouchoirs de poche, une paire de poches, trois serre-tête, un fichu de linon, deux paires de bas de coton, une cravate de soye, un sac à ouvrage de taffetas vert contenant un tricot avec des aiguilles, un oreiller avec taye garnie". La garde-robe ainsi que la défroque et les oripaux raidis de sang des suppliciés étaient portés au grand hospice de l'Humanité pour être distribués aux pauvres et aux premiers nécessiteux, quand ils n'étaient pas réclamés par la famille. ...

(Les cheveux de la Princesse de Monaco, on ne sait comment, étaient parvenus à leur adresse, et cette relique, une très belle natte, nattée par la victime elle-même, et apporté de la prison aux mains de la Marquise de la Tour du Pin alors toute petite fille, est encore conservée aujourd'hui dans la famille de Chabrillan.) (G. Montorgueil)

 

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