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La Maraîchine Normande
14 avril 2012

17 juin 1793 - LA LETTRE DE PIERRE RUFFLE, SOLDAT, A SON PÈRE

17 juin 1793

La lettre de Pierre RUFFLE, soldat, à son père

Cette lettre du 17 juin 1793 a été retrouvée chez un particulier et a donc été conservée pendant plus de deux siècles dans la commune. Lettre d’un fils à son père, elle présente un caractère exceptionnel par son contexte historique et parce que les courriers de l’époque qui sont parvenus jusqu’à nous concernent plutôt des lettres d’administrateurs, de chefs militaires, de familles nobles…

Mon cherre perre je vous ecris c’est de sçavoir de vos nouvelles. Si vous vous etes toujours Bien porté, et Egalement que mes trois freres et mes deux seours et mon Beau freres Mathurin Barbier, s'ils sont aussi en bonne santé, Et également que mon oncle de la Chapelle, et de ma Maraînne de mon oncle lamare, de ma tante Ursule Philouze de monsieur Bourdais curé, Et de mon comperre Riaudel et de son épouse, du citoyen grefier Dupont de julienne Saillard et de tous nos voisins Et de mes autres bons amis, s 'ils sont tous en bonne santé pour moi je me pôrte bien dieu merci nous sommes arivé le 26 mars a la ville de Blain la ou nous sommes Encore. Pour garder cette ville de peur d'unne Révolte, mes camarades de Mellesse qui sont dans mon Bataillon sont aussi tous Bien portants quoique la nouvelle que vous avez du Recevoir que nous avions Eté deja détruits, en parties Faits Prisonniers le second Bataillon arive a nantes le 17 juin .- pour d'autres nouvelles, je n'en sçai Point d'extraordinaire j'ai Bien antandu dire que machecoul Etait pris par nos ennemis mais du Reste jenai sçai Rien je vous prie mont très cher perre de mécrire au plutôt posible et menvoyer de vos nouvelles et de celles désignée sur cette Lêtre vous pourez bien l'adreser a Blain : en atenden le bohneur que j'espere de vous Revoir, je suis votre très bon ami fils

A Blain 17 juin 1793 Pierre fils

 

L'AUTEUR DE LA LETTRE

Bien que déchirée au niveau du patronyme du signataire, l'énigme n'a pas été difficile à résoudre compte tenu des noms de familles figurant dans le courrier.  Il s'agit de Pierre RUFFLE, fils de Pierre RUFFLE, laboureur à la Basse Forge et désigné « notable » dans la première municipalité. Il l'était toujours en 1794.  Pierre RUFFLE fils, (remarquer la signature) s'est enrôlé pour le service de la République avec sept autres jeunes melessiens le 10 mars 1793 pour une campagne. Il avait 21 ans et recevait vingt sous par jour.  De retour au pays, il sera nommé commandant de la garde nationale de Melesse puis du canton de Betton pour son grand civisme.  En 1797, Melesse est devenue une commune « redoutable » selon le commissaire du canton, Rallier, qui dit : « qu'il faut traverser Melesse en courant au grand galop ».

Accompagné de Pierre RUFFLE il s'est fait tirer dessus.  Cette même année, le commissaire Rallier adresse aux autorités départementales un bilan de son administration du canton de Betton dont dépend Melesse.  Il dit: «De toutes mes perquisitions, de toutes mes tounées, de tous les séjours que j'ay pu faire en chaque commune, il résulte que je n'ay encore trouvé dans mon canton qu'un patriote, le capitaine Rufflé, bon militaire, dont le père a été massacré par les chouans... ».

En effet ce dernier a été assassiné de 17 coups de poignard et retrouvé quelques dix jours après dans le bois de Montbourcher. Il était âgé de 45 ans environ.  En 1799, le commissaire Rallier propose le commandant Rufflé au poste d'instituteur à Melesse pour son patriotisme, mais détesté par la population pour sa lutte contre les chouans, il est refusé.

Pierre RUFFLE père, assassiné, Pierre RUFFLE fils, refusé au poste d'instituteur, l'heure des règlements de compte a sonné dans la commune.

INTERET HUMAIN

Ce qui frappe dans cette lettre, c'est l'expression des sentiments filiaux, l'amour avoué d'un fils pour son père, l'attachement à sa famille, à ses amis, sans oublier le curé de la paroisse. C'est Jean-Marie BOURDAIS, le curé constitutionnel nommé après le départ des prêtres réfractaires.  Preuve s'il en est que ce jeune soldat est patriote.  Mais les temps changeront, BOURDAIS reniera son sacerdoce en 1794, deviendra cultivateur et se déclarera « en danger » à Melesse en 1795.  Il s'enfuira à Rennes et demandera la protection de la police pour le transport de ses affaires et de son mobilier. Melesse n'était plus patriote.

Le jeune soldat évoque des noms de famille, tels les PHILOUZE qui sont de parenté. Sa tante, Ursule PHILOUZE habite le bourg, son oncle réside à La Chapelle Saint Nicolas au bas du bourg.  Son « comperre » Riaudel est le chirurgien du village, et Dupont est le secrétaire greffier de la commune.

Nous pouvons peut être voir aussi un peu de nostalgie dans la lettre du soldat.  Il pense à tous les siens, lui qui n'avait sans doute pas quitté sa région auparavant, il espère « au plutôt possible » des nouvelles du pays.  Il ressent de l'inquiétude, son bataillon a souffert et il voudrait bien pouvoir espérer revoir son père. N'y a-t-il pas quelque tristesse inavouée derrière ces lignes ?

 

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