Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
14 avril 2012

MARIE VILAIN ET UN SOLDAT BLEU BLESSE

MARIE VILAIN ET UN SOLDAT BLEU BLESSE

Le malheureux village de la Clavelière, à quelques pas de Saint-Fulgent, venait d'être réduit en cendres ; il ne restait plus que des décombres où s'étaient réfugiées quelques femmes échappées aux massacres des colonnes infernales : à quelques jours de là, un soldat bleu se présente seul. Il marche avec peine, se servant de son fusil, comme d'une béquille pour se soutenir. A sa vue, les femmes et les enfants se sauvent, car on croit qu'il est suivi par un détachement. Le soldat leur fait signe de n'avoir pas peur et de revenir, leur crie d'une voix fatiguée qu'il est malade, leur demande de le loger et de lui préparer de la tisane. Les femmes se consultent, car elles craignent d'avoir affaire à un espion. Lui, se plaint toujours, leur assure qu'il est malade à mourir, et qu'il lui est impossible d'aller plus loin. Il les supplie pour l'amour du Bon Dieu d'avoir compassion de lui.

Une d'entre elles, Marie Vilain, se dévoue puisqu'il a prié au nom du bon Dieu : elle le fait entrer dans sa misérable maison dévastée. Alors, parmi toutes ces femmes véritablement chrétiennes qui oublient que ce soldat est peut-être l'assassin de leurs maris et de leurs enfants, c'est à qui témoignera le plus de pitié au malade. A la hâte, on prépare un lit, on le couche et on lui donne tout ce qu'on peut lui donner. - Pourtant, quelques femmes conservaient un peu de défiance. Cette défiance devint plus grande quand elles entendirent le bleu demander un prêtre pour se confesser.

- Les pauvres femmes de la Clavelière étaient dans l'anxiété. Elles n'auraient pas voulu laisser le soldat mourir sans confession ; elles n'auraient pas voulu, non plus, exposer à la mort le vaillant abbé Brillaud, vicaire de Saint-Fulgent, qui se tenait caché dans la haute-paroisse où il célébrait la messe dans une grange. Elles se consultaient du regard et ne savaient quelle résolution prendre. - Le soldat bleu, voyant leur hésitation, les conjurait à grands cris d'aller chercher un prêtre ; il ne voulait pas, répétait-il, mourir sans accuser ses grands crimes.

- A la fin, la décision fut prise, et le bonhomme Antoine Baudry, le seul homme du village, partit chercher le prêtre. - Mais le prêtre ne venait pas assez vite. Le malade qui était loin de jouer la comédie, sentait la mort approcher. Il demanda à toutes les personnes de se réunir bien près de son lit : "Donnez-moi un crucifix, leur dit-il". Elles s'empressèrent de lui obéir. - Le tenant à deux mains debout sur sa poitrine : "Je veux accuser devant vous tous mes crimes, écoutez-les bien. Quand le prêtre sera venu, vous lui direz tout ce que vous aurez entendu".

- Alors, il se mit à s'accuser d'avoir incendié, pillé les maisons ; d'avoir massacré des innocents. Il ajoutait souvent : "Si je l'ai fait, ce n'était que par force ! ..." Il lui restait sans doute quelque aveu pénible et qu'il n'osait faire publiquement. Il dit à Marie Piveteau (grand'mère d'Hortense Puaud), la plus âgée des femmes présentes, de se pencher vers lui. Il lui murmura quelques mots à l'oreille, la suppliant avec larmes de "le dire au prêtre quand il serait venu, mais au prêtre seulement". - Quelques moments après le bleu mourait en récitant son acte de contrition.

L'abbé Brillaut n'arriva qu'après la mort du pauvre bleu. Après avoir écouté ce qu'on lui racontait, et reçu le secret confié à Marie Piveteau, il dit à toutes les personnes présentes : "N'ayez pas d'inquiétude, vous avez bien fait. Cet homme est mort en prédestiné ; ce sera une âme de plus pour le ciel". - Hortense Puaud ajoute à son récit : "Le secret du soldat, qui était un secret de confession, a toujours été inviolablement gardé par ma grand'mère.

 

Extrait du livre : Vendéennes & Chouannes 1793-1832 - Comte de Chabot - Les Editions du Bocage

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité