Le Père Jean-Pierre Migony
Le P. Jean-Pierre Migony naquit le 25 mars 1749 à Bollène, aujourd'hui diocèse d'Avignon, alors diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, et fut baptisé le lendemain. Il était fils de Joseph Migony et de Colombe Rouy.
A quelle époque entra-t-il en religion ? Nous ne le savons pas. Mais les chroniques du couvent de Roquemaure (Gard) nous apprennent que le P. Lin Migony fut élu gardien de ce couvent au chapitre qui se tint à Avignon, le 20 mai 1786, et qu'il fut confirmé à la congrégation tenue à Nîmes le 27 octobre 1787.
Une partie du couvent qui lui était confié s'étant affaissée par suite de la rupture d'une poutre de soutien, il s’occupa de réparer le désastre et obtint du Provincial, dans ce but, la somme de 100 livres. Au chapitre qui se tint à Avignon le 30 mai 1789, il fut remplacé par le P. Alexandre Pélissier et passa au couvent de Bagnols-sur-Céze (Gard).
L’interrogatoire que lui fit subir, au moment de son arrestation, le maire de Marcillac, prés de Blaye, nous renseigne sur sa conduite au moment de la Révolution.
Forcé d'abandonner son couvent par suite de la persécution, il se retira dans sa famille, "n'ayant point prêté le serment de la constitution civile du clergé, n'y étant point obligé n'étant pas fonctionnaire public." Il dit, pendant une quinzaine de jours, la messe dans une paroisse qu'il ne nomme pas, puis fut contraint de sortir de Bollène, d'après un décret rendu par le club de cette ville, obligeant tous les prêtres insermentés de quitter cette localité.
Il vint alors à Tain, dans la Drôme, et demanda l'hospitalité à "un particulier", sans faire connaître sa qualité de prêtre. Mais son hôte, ayant appris qu'il était ecclésiastique, craignit pour sa vie, et ne voulant pas s'exposer en le gardant chez lui, le congédia. Il se retira alors chez son cousin, à Malataverne, y demeura peu de jours, et revint à Tain.
C'est là qu'il fut arrêté comme suspect. On le conduisit à Valence, le 11 avril 1793, et de là il fut acheminé vers Bordeaux, rendez-vous des prêtres qui devaient être déportés à la Guyane ou sur la côte du Sahara. Il arriva au commencement du mois de mai et fut enfermé au fort du Hâ. L’infection de cette prison le rendit malade et on l’envoya le 6 juin à l'Hôpital Saint-André. Il rencontrait là beaucoup de ses confrères, venus des diverses prisons de la ville, malades comme lui, et, chose extraordinaire, il avait la joie d'être soigné par les soeurs de Charité que la Révolution maintint dans leurs pieuses fonctions et d'être assisté par un aumônier insermenté qui put demeurer à l'hôpital pendant toute la tourmente, sans être inquiété. Guéri, le P. Migony réintégrait son cachot le 2 juillet.
De nouveau, quelques mois après, il fut saisi par la fièvre et, vers la fin de novembre, on dut le ramener à l’hôpital. Il y fit la connaissance d'un prêtre, Sébastien Duprat, condamné comme lui à la déportation, et qui était en traitement.
Un soir, profitant du brouillard et de l'obscurité de la nuit, ils franchirent aisément une clôture en partie démolie et se sauvèrent tous les deux, à travers les ruelles qui avoisinaient l'hôpital et la cathédrale Saint -André.
On s'aperçut bientôt de leur fuite. Où allèrent-ils ? Le P. Migony, dans son interrogatoire devant la commission militaire, répondit : "Je ne connais pas Bordeaux. Je fus conduit par le citoyen Duprat, prêtre, dans une maison, où je ne me rappelle-pas être située (sic)." Ce fut probablement rue de Gourgue, chez le sieur Erolonge, serrurier, père de famille et excellent chrétien.
Le citoyen Duprat, toujours introuvable, hantait l'imagination des terroristes. Plus tard, une dénonciation, laissant entrevoir qu'il se cachait au n°1 de la rue Notre-Dame-de-la-Place (aujourd'hui rue Kléber, n° 30), amenait la découverte de trois prêtres fidèles, MM. Molinié, Soury et Devillefumade, que le zèle admirable de Marie Gimet et de Marie Bouquey, femme Erolonge, dissimulait depuis six mois. Arrêtés, tous moururent pour la foi le 6 juin 1794.
Pendant que Sébastien Duprat se dérobait aux, vaines recherches des sans-culottes, le P. Migony errait à travers le département, se rendant du côté de Blaye, sans avoir de but arrêté : "Je couchais dans les vignes, dit-il, et mendiais mon pain."
Le 17 frimaire an II (7 décembre 1793), quelques citoyens découvraient le malheureux religieux à bout de forces, au village de Jagille et le remettaient à la municipalité de Marcillac. Devant le maire, il avouait qu'il était religieux récollet et qu'il venait de Bordeaux, "allant à la garde de Dieu".
En bon républicain de l'époque, le maire n'oublia pas de lui faire vider ses poches : " Ensuite l'avons sommé de nous remettre tout ce qu'il peut avoir sur luy, lequel y a consenty volontier, nous ayant remis plusieurs papiers que nous avons cachetté, cinq livres petits et grands, cent cinq livres or et argent, y compris une petite pièce étrangère, un portefeuille rouge contenant, en plusieurs assignats, cent cinquante livres dix sols, une montre en argent avec une chaire d'assier, un étui à rasoir, un petit flacon double, une écritoire de corne, un étuy contenant un canif et quelques éguilles, un couteau manche de boy et à tire-bouchon, une fiole contenant des eaux, un baton de cire à cachetter. " Puis, le citoyen Lillet, maire, le faisait conduire à Bordeaux : " Avons requis huit gardes natiauneaux y compris le maire; un lieutenant et deux capaureaux que nous avons chargé de conduire par devant la municipalité du district de Bordeaux le cy -denommé,,, "
Le même jour, accusé et gardes étaient à Bordeaux et Migony enfermé au fort du Hâ. Le lendemain, il comparaissait devant le tribunal révolutionnaire, présidé par le féroce Lacombe. L'interrogatoire, conservé par un plumitif très succinct, donne surtout brièvement l’emploi du temps, mais, détail important, le vénéré Père affirme qu'il est prêtre "insermenté", et le tribunal conclut ainsi : "La commission militaire, convaincue d'après les aveux de l'accusé qu'il n'a pas prêté le serment civique, qu'il a prêché des principes contre-révolutionnaires ; convaincue qu'il ne s'est pas déporté, le condamne à la mort. Tous ses biens confisqués d'après la loi du 18 mars," En sortant de l'audience, la charrette du bourreau l'attendait rue Mondenard et, en quelques minutes, il était sur la place Nationale, où il consommait son sacrifice sanglant.
Le jugement imprimé est encore plus explicite et nous donne le vrai motif de la condamnation à mort :
"L’accusé, sur les différentes questions à lui faites par le président, a répondu qu 'il n'a pas prêté le serment civique, parce qu'il était contraire à son opinion, et qu'il s’est évadé de l'hôpital Saint -André où il avait été traduit pour cause de maladie. La Commission militaire, convaincue que l'accusé s'est échappé de l'hôpital Saint-André où il avait eu l'adresse de se faire transporter sous prétexte de maladie ; que son but était d'aller dans les campagnes prêcher les principes destructeurs de la liberté, d'y égarer les esprits faibles, et de les porter à abandonner la cause de la patrie pour embrasser celle des prêtres contre-révolutionnaires qu'étant soumis à la loi de la déportation, il s'est, par sa fuite, rangé dans la classe des prêtres punis par la loi du 18 mars dernier ; qu'il a, dans son interrogatoire public et particulier, manifesté une mauvaise foi insigne et refusé de nommer les personnes avec qui il avait eu des relations étroites ; le condamne, d'après la loi du 27 mars et celle du 18 du même mois de l’année 1791, à la peine de mort ; tous ses biens confisqués au profit de la république ordonne que le présent jugement sera à l'instant exécuté sur la Place Nationale… "
Hélas ! entre les mains des patriotes "ses biens" s’étaient déjà volatilisés. D'après l’inventaire fait par le citoyen Maugandeau il ne restait plus que 109 livres, probablement en assignats, et une montre en argent.
Léon Rifflard,
Curé de Barp Gironde
(Guillon, Les martyrs de la foi pendant la révolution française, IV, p.78 ; Lelièvre, Une nouvelle page aumartyrologe de 1793 ; Archives Départementales de la Gironde, L, 2836 ; Renseignements fournis par M. lecuré de Bollène et par le R.P. Ferdinand M. Delorme, O.F.M.)
le Père MIGONY fait très certainement parti de ma famille.
ma mère est née MIGONY à Bollène.
Cordialement.
JP ROUX