... 1793

Il y eut à Saumur cinq exécutions en masse.

 

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Le Comité révolutionnaire s'adresse ainsi au représentant Francastel :

"Cependant, trois cents, plus ou moins de cette race venimeuse, viennent d'arriver dans nos murs. Si nous étions sûrs que l'air vengeur de nos prisons suffit (sic) à nous en faire une justice tacite, nous ne t'en parlerions point. Mais la faculté étonnante et presque contre nature qu'ils ont d'être vivaces avec le germe destructeur qu'ils portent, nous les rend embarrassants et insupportables ; nos prisons ne pourront suffire à leur masse. Les conserver longtemps, c'est nous exposer aux risques d'être empestiférés ou affamés par eux. Qu'en faire, pour éviter ces dommages affreux ?" (A.D.M.-et-L., 1L 1212).

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La première eut lieu le 29 frimaire. Dix-huit Vendéens ayant été condamnés par la Commission militaire, le général Commaire fit demander au commandant de place Richard de lui indiquer l'endroit qu'il croyait le plus propre pour faire fusiller "les Brigands de la Vendée". On lui désigna la butte de Bournan " ¤ù le grand air pouvait faire évaporer plus facilement les exhalaisons malsaines que doivent nécessairement produire de semblables exécutions". Conduits à Bournan sous prétexte d'aller à la promenade, les dix-huit "Brigands" furent fusillés par les gendarmes de la 35è division, en présence de Commaire.

Capture plein écran 30032013 165711Les 4 et 6 nivôse (24 et 26 décembre), l'église de Nantilly se trouvait remplie de prisonniers et on en attendait un convoi considérable. La Commission militaire envoya un de ses membres, Roussel, "pour vider la prison".

Roussel se fit apporter une table, prit le nom et les prénoms des détenus, les interr¤gea très succinctement et fit renfermer dans le choeur de l'église tous ceux qui avaient moins de dix-huit ans, puis il sortit en recommandant au geôlier de ne pas donner de pain aux autres captifs. Thibault, le geôlier, lui fit observer que ces hommes, qui n'avaient pas mangé depuis la veille, se révolteraient s'ils voyaient que l'on distribuait du pain aux autres détenus, sans leur en donner. Roussel ne tint aucun compte de cette observation et ordonna à un des gendarmes qui l'accompagnaient d'aller demander à la municipalité des cordes pour lier les prisonniers. On refusa au gendarme de lui en délivrer sans une réquisition du commandant de place, et comme il traversait la place de la Bilange pour aller chercher cette autorisation, il rencontra Roussel. En apprenant le refus de la municipalité, le membre de la Commission militaire entra dans une colère épouvantable. "Viens avec moi, dit-il au gendarme, je vais t'en faire donner !".

"Arrivé à l'hôtel de ville, le citoyen Roussel demanda d'un ton brusque quel était le membre qui avait refusé de délivrer de la corde, et ajouta que dans un moment aussi révolutionnaire, il fallait agir et non bavarder ; qu'il se chargeait de leur apprendre leur métier et qu'il saurait bien les mettre au pas." Il n'y avait qu'à s'exécuter."

Capture plein écran 23032013 012403La veuve Pelou fournit la corde nécessaire, et, comme il était déjà tard, on ne peut lier que soixante-dix-neuf prisonniers qui furent conduits près des bois d'Asnières, dans la commune de Douces, où on les fusilla. Le surlendemain, soixante-quinze autres furent exécutés au même endroit. Ces malheureux avaient eu une agonie de trente-six heures.

Le grand convoi des prisonniers que l'on attendait était arrivé à Saumur. Dès le lendemain 6 nivôse, la Commission militaire se transporta à Nantilly où ils avaient été renfermés, et, après un interrogatoire fort court, on en désigna deux cent trente-cinq pour être fusillés le même jour. Elle ne prononça aucun acquittement, mais excepta seulement tous les jeunes gens au-dessous de dix-huit ans. Ces enfants furent réunis à ceux que Roussel avait fait enfermer dans le choeur de l'église.

Plan4Un détachement de trois cents hommes conduisit les condamnés à la butte de Bournan, sous prétexte de les faire promener. Arrivés au-dessus du village de Munet, dans un champ appelé les Moulières, ils furent fusillés. Deux seulement purent s'évader à la faveur de l'obscurité. Des fosses avaient été creusées, mais les cadavres furent enfouis avec une telle précipitation, qu'ils ne furent recouverts que d'un pied de terre seulement. Aussi les chiens, attirés par l'odeur qui sortait de ce charnier, accouraient-ils de toutes parts et achevaient de déterrer les morts. L'odeur devint telle que les habitants de Munet et de Distré se plaignirent à la municipalité de Saumur, demandant que les cadavres fussent plus profondément enfouis.

Peut-on concevoir quelque chose de plus horrible que cette tuerie ? Deux cent trente-trois hommes s'agenouillent un soir de décembre au bord de leurs fosses, d'impitoyables bourreaux les massacrent à coups de fusil, de sabre et de baïonnettes et ivres de sang rentrent dans la ville en chantant la Marseillaise et le ça ira. Eh bien ! quelques jours après cette "expédition", un crime, plus épouvantable peut-être, fut commis.

Une autre fosse commune

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Les plus jeunes parmi les prisonniers vendéens avaient été, nous avons dit, exceptés de ces premiers massacres. On les avait laissé dans l'église de Nantilly sous la garde du citoyen Poitou, auquel, pour m'éviter tout reproche d'exagération, je laisse la parole :

"J'ai été nommé, dit Poitou dans sa déposition, le 18 nivôse, gardien des détenus de la maison d'arrêt de Nantilly qui contenait 150 prisonniers. Un mois après, 112 furent extraits de cette prison et conduits à Parnay dans des charettes et là fusillés. Parmi eux se trouvait un homme trop malade pour marcher, le commandement du détachement, qui était Simon, gendre du citoyen Hubert, commanda à mon cousin et à moi de le porter sur le bord du trou destiné à enterrer les morts et le fit fusiller par quatre hommes. Au nombre de ces 112 malheureux étaient 50 enfants de douze à dix-huit ans et la plus grande partie de douze à quinze ans qui avaient été exceptés de la première fusillade qui avait lieu à Bournan. Ces enfants criaient comme des malheureux et demandaient à être employés à servir la république, mais de même que les autres ils furent fusillés.

Je dois dire que pendant tout le temps que ces enfants ont été détenus, le maire, le citoyen Cailleau, me recommandait, chaque fois qu'il me voyait, d'avoir grand soin de ces infortunés."

Il est inutile d'insister. Un parti qui égorge des femmes et fusille des enfants est jugé. "Oui, a dit Louis Blanc, cette barbarie, inutile et lâche immolation de femmes, voilà ce qui dans la révolution française restera la tache ineffaçable !" Qu'aurait-il dit, s'il avait connu ce massacre d'enfants.

... Extrait du livre : "Histoire de Saumur pendant la révolution" de Octave Desmé de Chavigny

 Témoignage du 4 brumaire an III (25 octobre 1794) de Chevallier, adjudant de la Place de Saumur :

 "... La Commission militaire séante alors à Saumur se transporta dans la ci-devant église de Nantilly pour y voir trois cent brigands qui avaient déposés les armes à Angers après l'affaire de Savenay ; qu'après un interrogatoire très succinct et très court en marquèrent deux cent trente cinq pour être fusillés le soir du même jour et qu'elle n'excepta de cet ordre barbare que les jeunes gens au-dessous de dix-huit ans ; qu'elle envoya au commandant de la place, Richard, un réquisitoire pour commender trois cents hommes armés à l'effet de fusiller les deux cent trente cinq brigands qu'elle avait désignés, que dans l'après-midy, ces hommes furent pris dans ladite église de Nantilly, conduits à Bournand sous prétexte de leur faire prendre l'air, qu'arrivés au lieu indiqué, la Commission militaire présente, le général Commaire et une partie de son état-major, le signal du feu fut fait et les deux cent trente cinq malheureux furent mis à mort à l'exception de deux qui s'évadèrent ..." (A.S.M.-et-L., 1L 1302).

(LE MASSACRE DE LA BUTTE DE BOURNAN par le Docteur Pierre CONTANT)

Témoignage daté du 8 brumaire (29 octobre 1794) de Gaudichon, commissaire à la guerre :

 "... Qu'il y a treize à quatorze mois, étant à cheval et revenant de Saint-Florent, il fut rencontré par quelques officiers généraux marchant avec une escorte assez nombreuse à la tête d'une file de malheureux attachés les uns aux autres qu'on lui dit être des rebelles de la Vendée, qu'on le sollicita d'accompagner la Commission militaire et que chemin faisant vers la bute (sic) de Bournant, il remarqua Félix président de cette Commission qui interrogeait différents jeunes gens faisant partie des rebelles, sur leur âge, que frappé des différentes questions il en demanda la cause, que Félix répondit qu'il pouvait soustraire à la fusillade tous les jeunes gens au-dessous de 20 ans, que lui Gaudichon arrivé sur le terrain remarqua un jeune malheureux âgé de 17 ans que Roussel aussi membre de la Commission sur son rapport (sic) et son invitation fit détacher et reconduire à Nantilly d'où il avait été tiré, qu'alors 235 furent fusillés près le petit bois qui se trouve à gauche sur la hauteur de Bournant ..." (A.D.M.-et-L. 1L 1302)

(LE MASSACRE DE LA BUTTE DE BOURNAN par le Docteur Pierre CONTANT)

Liste des fusillés du 6 nivôse, empruntée au livret du Docteur Pierre Contant "Le Massacre de la Butte de Bournan",  aimablement prêtée par M. X.A. PAQUEREAU

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 La redoute de Bournan fera certainement l'objet d'un prochain article de CheminsSecrets.ekalblog

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