LIMOGES (87) - EYBURIE (19) - LE FUTUR GÉNÉRAL MATERRE EN VENDÉE
Né à Limoges, le 16 novembre 1772, baptisé le lendemain en l'église Saint-Michel-des-Lions, JEAN-BAPTISTE-MARTIAL MATERRE était fils de François Materre, enfant d'Uzerche, avocat au Parlement.
Sa jeunesse s'était écoulée sans histoire. Il vivait, sans soucis, comme les jeunes bourgeois de la génération, tantôt à Uzerche, tantôt à Limoges, ou dans le vieux domaine paternel de Montagnac, sur la paroisse de Saint-Martin-Sept-Pers.
La Révolution devait l'entraîner, tambour battant, sur les chemins de la gloire.
Sa carrière, toutefois, ne débuta point sous la poussée d'une vocation militaire irrésistible.
Le jeune Martial, en dépit de son nom guerrier, était un héros qui s'ignorait.
S'il prit du service, le 21 mars 1793 parmi les 206 hommes désignés par les membres du Club d'Uzerche pour composer le contingent fourni par le district au bataillon de "La Concorde", ce fut, semble-t-il, sans enthousiasme !
A vrai dire, ces volontaires de la République, dont la volonté était toujours présumée, mais rarement consultée, se recrutaient à Uzerche selon un mode de désignation tout à fait conforme aux Droits de l'homme. Ils étaient élus par leurs concitoyens sans avoir eu la peine de poser au préalable leur candidature. Les campagnes électorales qui précédaient ce scrutin donnaient lieu, parfois, à de fâcheuses manifestations d'incivisme, mais la répression avait rarement à intervenir, et l'amour de la patrie faisait taire, bien vite, les révoltes et les rancoeurs.
Armé et équipé, Martial fut enrôlé, avec sa compagnie, sous le commandement de M. de la Grènerie, dans la garde nationale qui se rendait en Vendée. Simple promenade, leur disait-on, ne devant pas dépasser trois mois, moyennant quoi, les brigands écrasés, les vainqueurs, dispensés désormais de tout service, rentreraient dans leurs foyers et conserveraient leur équipement en souvenir et récompense de leur campagne.
Une première journée de marche se termina à Pierre-Bruffière. Le lendemain on cantonnait à Limoges.
Le jour suivant, nos jeunes patriotes, passant à Brigueil, protégeaient contre le mauvais accueil de ses paroissiens, et intronisaient, en quelque sorte, un curé jureur, obligé de recourir au bras séculier. Leur étape se terminait à Confolens où les attendait une surprise : une compagnie de Femmes, vêtues et armées "à l'Amazone" les recevait à l'entrée de la ville et les escortait au milieu de l'enthousiasme des habitants.
A Civray, on apprend le motif de l'insurrection de la Vendée. Materre, dans ses notes, ne fait pas connaître quels sentiments cette révélation éveilla chez lui.
A Melle, les esprits sont échauffés. On veut obliger nos soldats à couper les fleurs de lys qu'ils arborent aux basques de leurs habits. Ils s'y opposent avec indignation, mais la nuit porte conseil, et le lendemain ils suppriment ces inutiles emblèmes de la royauté défunte.
A Niort, deux des camarades de Materre arrêtent un malheureux prêtre déguisé en femme.
Le bataillon de la Concorde comptait, au 1er avril, 650 hommes, y compris les cavaliers et une quarantaine de gendarmes.
Le 2 avril, on arrive à Fontenay-le-Peuple. Accueil glacial. "Notre hôte, dit Materre, veut nous faire souper avec ses domestiques".
Et le lendemain, le futur général qui connaîtra, vingt années durant, l'horreur des batailles, voit pour la première fois couler le sang humain.
Commandé de service avec son bataillon, il assiste au supplice de quatorze Vendéens, hommes et femmes, guillotinés sur la place publique.
Après cette boucherie, le bataillon va cantonner à Saint-Hermand, sur l'ordre du général Beaufranchet d'Ayat, qu'on disait bâtard du roi Louis XV et qui partage avec le brasseur Santerre l'opprobre d'avoir étouffé, sous les roulements de tambour, les dernières paroles de Louis XVI.
Le 11 mai, date importante, Materre obtient ses premiers galons. Il est nommé caporal, et fourrier quelques jours après.
Le 20, nos limousins étaient à La Rochelle et contemplaient pour la première fois, la mer. Plusieurs d'entre eux devaient apprendre, plus tard, à la mieux connaître.
Le 30 juillet, cette campagne sans gloire devait s'achever pour Materre et ses amis par un épisode peu brillant, mais assez fréquent dans les annales de cette époque !
Après avoir réclamé un congé, que les représentants du peuple s'obstinaient à leur refuser malgré les promesses reçues à leur départ de la Corrèze, ils résolurent de quitter l'armée et de retourner dans leurs foyers.
Revue Notre Province - du 1er août 1943
Portrait : Généanet
AD87 - Registres paroissiaux de Limoges
Gardes nationaux (Wikipedia)