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La Maraîchine Normande
4 septembre 2024

CINTEGABELLE - VILLARIÈS (31) - ROQUEBRUNE, AIDE-DE-CAMP DU GÉNÉRAL CHARETTE

 

 

Ce mystérieux personnage, qui avait commandé dans l'armée royaliste de Vendée avant de se fixer à Cintegabelle (31), essaya sans succès de provoquer des soulèvements de paysans dans la région. Cela motiva un mandat d'arrêt lancé contre lui par Abadie, commissaire du Directoire exécutif du canton. Dès que Roquebrune connut cette mesure, il se précipita furieux à la maison commune et, en plein conseil, tira sans l'atteindre un coup de fusil sur Abadie, puis se sauva précipitamment. Ni Abadie, qui, avec quelques autres, se lança à la poursuite de l'assassin, ni la garde nationale du lieu qui se trouva "intimidée par le caractère féroce de Roquebrune", ni les gendarmes qui essuyèrent des coups de feu, ne réussirent à l'atteindre ; par contre, Jean-Pierre Lavaur, de Gaillac-Toulza trouva la mort dans cette affaire. Le signalement du royaliste fut alors envoyé à toutes les communes ; cela permit, le 9 ventôse (28 février 1796), à Fauré, un patriote de Launaguet, de le reconnaître et de le poursuivre jusqu'à Pechbonnieu. Là, deux de ses compagnons furent arrêtés, conduits à Toulouse, puis à la maison d'arrêt de Muret d'où ils s'évadèrent, grâce à la complicité de Janole, affirma l'administration municipale de Toulouse.


Quant à Roquebrune, qui était "armé de toutes pièces" et montait un "cheval agile", il ne tarda pas à être cerné par les paysans et tira alors deux coups de fusil sur Fauré. "Le Républicain ne fut point touché, mais il riposta plus adroitement et atteignit le Vendéen d'un coup de feu dans les entrailles". La capture de ce dernier fut dès lors facile. Le soir même, Janole se transporta sur les lieux pour l'interroger. "Il a été impossible de rien tirer de ce grand criminel [sinon qu'il meurt pour sa Religion et pour son Roi] ; il a terminé sa carrière quelques heures après l'arrivée de l'accusateur public et il est mort sans dénominer (sic) ses complices ni découvrir les ramifications de la trame qu'il paraissait avoir envie de diriger".


Cet événement donna lieu, le 20 ventôse (10 mars 1796) à une cérémonie patriotique au cours de laquelle Abadie et Fauré reçurent chacun une couronne civique. (Hommes et épisodes de la Révolution à Toulouse de Damien Garrigues - 1930)

 

 

 

 

Élisabeth-Jean-Joseph de Goty de Roquebrune est né à Cintegabelle (31), paroisse de Tramezaygues, probablement au château du Bouyssou, le 27 février 1767. Il était fils d'Élie-Paul de Goty et de Marie Delor.

 

 

 

 

Roquebrune avait jugé plus prudent d'émigrer en 1792. Rentré en France, on le voit combattre en Vendée sous les ordres du général Charette. Puis, comme il est dit plus haut, il retourne ensuite dans son pays, à Cintegabelle. (Canton de Cintegabelle par Roger Ycart - 1993)

 

 

JEAN-JOSEPH-ÉLIE DE GOTY DE ROQUEBRUNE est mort à Villariès le 10 ventôse an IV (29 février 1796) à 7 h du soir dans la maison de la citoyenne Blanconne, à l'âge de 28 ans, presque 29.

 

 

Son père, Élie-Paul, est décédé à Cintegabelle, au château du Bouyssou, le 22 messidor an VIII (11 juillet 1800), âgé de soixante ans. Il était né au Mas-d'Azil (Ariège) ; marié avec "la citoyenne" pétronille Gillis.


Sa mère, Marie Delor, est décédée à Cintegabelle, le 16 juin 1768, âgée de 30 ans.

 

AD31 - Registres paroissiaux de Tramezaygues et d'état-civil de Cintegabelle

 

 

 

REVUE DE PRESSE

 


Journal de Toulouse, 11 janvier 1797
Une lettre de Mazères, département de l'Ariège :


"Roquebrune, aide-de-camp de Charette, était de retour de la Vendée ; ce scélérat avait une âme enflammée de la matière combustible du crime ; son héroïsme était connu de nos brigands, comme il connaissait leur audacieuse scélératesse, Roquebrune les juge dignes de l'exécution de ses grands projets, il en fait ses soldats.


Le soulèvement général de l'Ariège était le but de l'aide-de-camp de Charette. Pour exécuter cette conspiration, il fallait un plan combiné.


La comtesse de Paulo offre au conspirateur l'asile sombre d'un comité de révolte : le fameux scélérat l'abbé Leclere (évêque in partibus du diocèse de Mirepoix) en est le chef."


[C'est ce prêtre qui a fanatisé toute l'Ariège, allumé la discorde, fait naître les divisions entre les citoyens, émigrer tous les prêtres. C'est lui qui fit faire une réception royale à la comtesse de Paulo, par la commune de Mazères ; cette orgie est remarquable. Les égorgeurs marchaient rangés sur deux rangs, au son d'une musique bruyante. Martimort, l'abbé Leclere, Serres aîné, la comtesse de Paulo, marchaient derrière ce cortège pompeux ; il parcourut la ville & nos promenades. L'air retentit des cris : Vive la comtesse de Paulo ! Vive M. Leclere ! Le lendemain de cette orgie, autant qu'il m'en souvient, le massacre de Gotty & de tous les patriotes fut commis.

C'est à ce même abbé Leclere, condamné à la déportation, que nous voyons dans nos rues insulter, par sa présence, aux patriotes & aux lois, dont il ne fait point de cas. C'est lui qui rappelle tous les prêtres passés en Espagne, & qui les conduit dans la carrière perfide qu'ils viennent parcourir.]


Déjà les campagnes étaient la proie des brigands : la réunion de tous les scélérats des départements voisins allait se faire, lorsque Fauché, de Nantes, paraît (1) pour faire rejoindre les déserteurs ; il donne des ordres : le nommé Parisien est arrêté ; on l'attache, on le conduit vers Pamiers. A peine cette escorte est à demi heure de la ville, qu'elle est assailli par la horde de brigands ; leur présence enhardit le prisonnier. Il s'écrie : à moi, mon général Roquebrune ! à moi, mes amis ! à moi ! Les gendarmes effrayés de leur nombre & de leurs menaces, lâchent le Parisien, & fuient vers Mazères. Aussitôt une décharge de mousqueterie est tirée sur eux ; le cheval de Bazes est blessé à l'épaule. Rougé s'arrête, enhardit ses camarades ; honteux de fuir devant des brigands, ils tirent leur sabre & courent sur les scélérats ; ils arrêtent de nouveau le Parisien & un nommé Mignon, son camarade, reviennent à Mazères, avec ces deux bandits ; un procès-verbal est dressé & le lendemain on les conduit à Pamiers, où on les livre à la justice.


Lecteurs, croyez-vous que le tribunal & les administrations de l'Ariège aient puni ces malfaiteurs ? Ils sont tous revenus dans nos murs envahir nos propriétés, massacrer nos meilleurs citoyens (2), menacer tous les gens de bien. Vingt coquins sont les enfants protégés "du vertueux" Marquié Labanqueroute, & de son collègue ..."


(1) Quelques jours après le passage de Fauché, Roquebrune eut la témérité de tirer un coup de fusil dans la maison commune, au citoyen Abadie, commissaire du directoire près le canton de Cintegabelle. Une troupe de nos brigands Mazériens, étaient sur la place qui l'attendait, & ils s'en furent vite avec lui, quand ce brigand effrayé crut avoir consommé son crime. Quelque temps après, Roquebrune fut tué, & sa mort sauva notre malheureux pays d'une seconde Vendée.


(2) Prat aîné, commissaire du directoire près le canton de Mazères, & Labaumelle.

 

 

MORT DE ROQUEBRUNE

Du 21 ventôse an IV (11 mars 1796)
1796

L'Écho des feuilles politiques et littéraires - n° 22
(Esprit des gazettes ou recueil des événements politiques ... Tome 33)

"On mande de Toulouse qu'on y a appris l'arrestation d'un certain Roquebrune, un des chefs vendéens. Il faisait des recrues pour Charette dans le département de l'Ariège, & donnait à chaque recrue 60 livres en numéraire. Son signalement & ses propos l'ont fait reconnaître dans la commune de Villariès. Arrêté par des paysans, il a précipité son cheval sur eux, & leur a tiré deux coups de fusil, qui ont porté à faux ; un des paysans l'a mieux ajusté, & l'ayant blessé l'a fait tomber de son cheval ; aussitôt on s'est emparé de lui. Son procès avait été commencé, mais il est mort de ses blessures."

 

 

POURSUITE ET MORT D'UN AGENT ROYALISTE, GOTY-ROQUEBRUNE.

 


Ce personnage, assez mystérieux, vivait en l'an IV dans le canton de Cintegabelle, employant son temps à préparer une conspiration royaliste. Cette première conspiration de l'an IV est d'autant plus intéressante à étudier qu'elle se rattache intimement, selon nous, à celle de l'an VII, et qu'elle a eu probablement à sa tête le même chef. C'est ce que nous allons essayer de prouver dans la suite de cette étude.


On sait, en effet, que le soulèvement royaliste de l'an VII fut dirigé surtout par le comte Jules de Paulo. Ce jeune noble, à l'esprit aventureux et entreprenant, était né au pays de Foix. Fils d'un sénéchal de Lauraguais, il appartenait à une famille dont le nom apparaît souvent, et dans des circonstances tragiques, dans l'histoire du Languedoc. C'est ainsi qu'un certain Jean de Paulo, président au Parlement de Toulouse en 1589, prit une part active à la Ligue et fut même accusé d'avoir participé au meurtre de Duranti. Jules de Paulo émigra au début de la Révolution, et après avoir combattu quelque temps en Vendée, il revint se fixer dans son château de Terraqueuse, près de Cintegabelle. Là, pendant plusieurs années, il prépara ce grand soulèvement qui devait se terminer par la défaite des royalistes à Montréjeau.


Parmi ses agents, ou du moins parmi ses collaborateurs, devait se trouver ce Goty-Roquebrune dont nous parlions plus haut. Bien qu'il ne soit pas possible d'apporter de ce fait des preuves absolument sûres, nous avons cependant certains indices qui viennent à l'appui de notre opinion. Remarquons tout d'abord que le château de la famille de Paulo à Terraqueuse est situé dans le canton de Cintegabelle où habitait Roquebrune, ce qui est déjà une présomption en faveur de l'idée que nous avançons ; enfin, les documents suivants, que nous avons découverts au milieu de vieux papiers qui sont en notre possession, tendent à transformer cette présomption en certitude.


Nous citerons d'abord une lettre du commandant des troupes de la Haute-Garonne, le général Sol, au citoyen Veyrieu, commissaire du Directoire exécutif près le département. Dans cette lettre, comme on va le voir, le général n'a pas l'air de croire à un soulèvement bien sérieux. Il partageait sur ce point l'optimisme d'un assez grand nombre de républicains du département. Notons cependant que, d'après lui, les conspirateurs se recruteraient à la fois parmi les déserteurs et les prêtres réfractaires. Ces derniers surtout, comme nous le verrons plus loin, devaient prêter un appui sérieux au comte de Paulo.


"Cintegabelle, le 30 nivôse, 4e année républicaine.
SOL, général de brigade, au citoyen Veyrieu, commissaire du Directoire exécutif près le Département.


Nous ne brûlerons pas beaucoup de poudre, mon cher concitoyen, tout est dans le plus grand calme. L'émigré Roquebrune a disparu depuis quelques jours, et avait même la précaution depuis longtemps de ne coucher jamais dans la maison de son père. On m'a dit qu'on l'avait vu à Varilhes avant-hier. Pour lui ôter les adhérents qu'il peut avoir séduits, nous allons prendre des mesures pour faire partir tous les déserteurs ; l'autorité civile fera en même temps des recherches pour découvrir les complices de Roquebrune et les faire arrêter.


Comme le départ des déserteurs, l'arrestation des prêtres sont les vrais moyens de maintenir la tranquillité publique, je suis convenu avec les commissaires des cantons d'Auterive et Cintegabelle, de laisser dans la 1ère commune 100 hommes d'infanterie et 10 à 12 chevaux, à Cintegabelle 150 hommes d'infanterie et 12 chevaux ; je renverrai tout le reste à Toulouse. Le citoyen Abadie fera tous ses efforts pour découvrir Roquebrune (s'il ose reparaître dans les environs) et ses adhérents et les fera arrêter.


D'ailleurs, vous et l'administration pouvez être fort tranquilles sur les suites de cette levée de boucliers. Je ne pense pas qu'il ose se former de rassemblements ; mais comme tous les déserteurs étaient armés, et que quand ils partiront ils laisseront leurs armes, je crois qu'il serait prudent que le Département ordonnât le désarmement des communes les plus gangrenées, telles que Picarrou (la plus mauvaise), et faire des recherches domiciliaires pour enlever tous les effets militaires appartenant à la nation, et qui ont été volés par les déserteurs.


Les municipalités n'ont pas encore reçu votre arrêté pour les garnisons à mettre chez les parents des déserteurs qui ne se présentent pas.
Salut et Fraternité,
SOL."


"On m'annonce dans le moment que Roquebrune en se battant à Varilhes avec trois gendarmes qui voulaient l'arrêter a été tué, ou du moins dangereusement blessé. La nouvelle n'est pas encore certaine."


 

La nouvelle de la mort de Roquebrune, annoncée par le général Sol, était un bruit dénué de fondement, puisque dans le rapport qu'on va lire du citoyen Abadie, et qui date du 9 ventôse an IV (28 février 1796), nous trouvons un récit assez dramatique de la poursuite faite contre cet agent royaliste et sa troupe :

 


"Cintegabelle, le 9 ventôse, 4e année républi.
Le Commissaire du Directoire exécutif près l'administration municipale du canton de Cintegabelle, au Commissaire général du Directoire exécutif, près le département de la Haute-Garonne.


"Je vous dois le compte suivant : Dans la nuit du 4 au 5, Goty-Roquebrune et trois de ses camarades se rendirent à Oulivet où loge Laurent Besson, mon homme d'affaires ; j'en fus instruit, et une partie de la force armée en détachement à Cintegabelle allait entourer la métairie, lorsque ces quatre scélérats furent avertis du mouvement et en sortirent en laissant plusieurs effets. Ils furent poursuivis pendant cinq heures sans pouvoir être atteints et passèrent la rivière à Grépiac vers le soleil couché. Je détachai cinq hommes pour suivre ses traces pendant la nuit. Je me rendis à Toulouse pour prendre douze gendarmes et j'invitai la garde nationale de Miremont de garder différentes fermes.


Le 6, à trois heures du matin, un détachement de ladite garde nationale rencontra les quatre scélérats qui tâchaient de regagner le port de Grépiac, mais il n'osa pas les attaquer de vive force, n'ayant point des armes ; néanmoins, les scélérats, dérangés dans leur marche, se jetèrent dans le grand bois d'Auribail ; après s'être rafraîchis dans une métairie auprès de Burgairoles, nous les cherchâmes inutilement toute la journée du 6.


Le 7, nous fûmes instruits qu'ils avaient couché à la métairie de Pichoï, dans la commune d'Auribail ; les scélérats avaient délogé lorsque nous y arrivâmes. Goty-Roquebrune, en partant, se fit remettre par le propriétaire de ladite métairie de Pichoï, qui est agent municipal, l'écharpe en lui disant qu'il était commissaire délégué pour poursuivre Goty-Roquebrune qui avait fendu la tête à un représentant du peuple.


Le même jour 7, à midi, nous fûmes instruits qu'il était à la métairie des Pradets appartenant à Bertrand de Saint-Sulpice. Nous nous y transportâmes au galop ; nous y arrivâmes trop tard à raison de la trop grande ardeur des patriotes de Saint-Sulpice qui se crurent assez forts pour les attaquer sans nous attendre. Les scélérats leur échappèrent, ils les suivirent dans les communes d'Auribail, Saint-Sulpice, Mongazin, Montesquieu et Lézat ; les patriotes de Lézat les suivirent dans les communes de Saint-Ybars et Gaillac. La garde nationale de Saint-Ybars, qui fut levée dans l'instant, les suivit dans les communes de Saint-Ybars, Gaillac, Lissac, Labatut, Canté et Saverdun, où il fut abandonné à huit heures du soir. Lorsqu'il traversa la commune de Canté dont il connaît l'esprit public, il cria plusieurs fois "Vive le roi !" et il était répondu par des individus que je tâcherai de connaître ; il est prétendu que plusieurs furent les joindre.


C'est les larmes à l'oeil que je vous annonce que ces scélérats, en traversant la commune de Gaillac, tirèrent quatre coups de fusil sur deux individus ; tous les coups portèrent sur l'un qui est mort, l'autre n'a pas été blessé. Ces scélérats, lorsqu'ils eurent tiré, crièrent : "Voilà deux républicains de morts, vive le roi !"


Dans la nuit du 7 au 8, j'ai fait suivre leurs traces ; ils rétrogradèrent dans la commune de Caujac, et, arrivés dans le grand bois de Grazac, ils donnèrent plusieurs signaux tant en feux qu'en coups de pistolets. La garde nationale de Grazac se mit en mouvement, mais ne put les atteindre dans ces grandes forêts. Je viens d'être informé qu'une femme en a trouvé un dans le bois d'Auribail qui paraissait très malade ; elle va être interrogée, et par le signalement nous connaîtrons quel des scélérats ce peut être. Il a été sans doute blessé parce qu'on tira sur eux plusieurs coups de fusil à plomb ; d'ailleurs, il doivent périr de lassitude.


Étant certain qu'un des quatre s'était séparé pour instruire les autres chefs, je fis garder les ponts sur la rivière de l'Ariège. Un poste l'aperçut à quatre heures du matin, le poursuivit et lui cria de s'arrêter au nom de la loi ; il répondit qu'il se foutait de la loi ; alors on le pressa plus vivement et il se jeta dans la rivière qu'il traversa à la nage. Lorsqu'il fut à l'autre bord, on fit feu sur lui ; il fut atteint de cinq balles et il fut mourir à peu de distance. Il a été reconnu que c'était un valet du moulin de Terraqueuse, italien d'origine, soldé par l'aristocratie, qui disait publiquement qu'il était ennemi juré des républicains, enfin un coquin qui l'année dernière tua un homme et qui avait eu l'adresse de s'évader des prisons.


Je ne me relâcherai pas de surveillance, car je suis certain et je vous assure que quatre émigrés se sont divisés dans nos contrées, chacun accompagné de quatre ou six hommes, qui courent les métairies la nuit pour engager. Leur point de ralliement est du côté de Labastide-de-Mirepoix. Je vous assure encore de plus fort que dans une nuit de la semaine dernière, un desdits chefs passa avec trente-deux hommes qui furent exactement comptés par un ami bien affidé que j'ai dans la plaine de Montaut à Mazères.


Cher coopérateur, rappelons les premières manoeuvres des Chouans dans la Vendée ; les mouvements ne sont-ils pas les mêmes dans notre malheureuse contrée ? Aux extrémités des départements de Haute-Garonne, de l'Ariège et de l'Aude, les patriotes sont en danger. Dans la nuit du 4 au 5, les quatre scélérats tâchèrent d'enfoncer la maison du citoyen Gellas, à Caujac, qui est un patriote de 89 ; et le pauvre père de famille qui vient d'être tué dans la commune de Gaillac était le républicain le plus prononcé, et, sans doute, il était désigné et connu par Goty-Roquebrune, puisque les quatre coups portèrent sur lui.


Je renvoie sept gendarmes, pouvant compter sur les hommes d'infanterie que j'ai à Cintegabelle ; mais j'ose espérer que vous vous concerterez avec le général Sol pour me laisser cette petite force. Je ferai tous mes efforts pour déjouer tous les projets liberticides et ferai saisir tout les scélérats. Je les suivrai par ruse ou de vive force, selon les circonstances.


J'ai remis à la gendarmerie un homme qui se dit déserteur de l'armée des Pyrénées-Orientales. Je crois qu'il doit être mis à la maison d'arrêt avant d'être envoyé au Dépôt. Je le crois un des commissionnaires de nos brigands. Il parlera plus à Toulouse qu'il n'a voulu parler à Cintegabelle. Je vous instruirai de nos mouvements ultérieurs.


Le commissaire délégué par l'accusateur public a lancé grand nombre de mandats d'amener et d'arrêt ; sans la force, il ne pourrait les faire exécuter. Ainsi les trente-cinq hommes que nous avons à Cintegabelle est une force bien modique dans un pays qui est, on peut le dire, en rébellion ouverte avec la République.
Salut et fraternité.
ABADIE,
Commissaire du Directoire exécutif, signé.

 

 

D'AUTRES LETTRES


 

"Liberté, Égalité.
Paris, le 22 ventôse an IV de la République une et indivisible.
Le Ministre de la Police générale de la République, au Commissaire du Pouvoir exécutif près l'administration départementale de la Haute-Garonne.


Vous m'annoncez, citoyen, par votre lettre du 15 présent, que Goty-Roquebrune a péri d'une manière digne de ses forfaits.


J'apprends  cette nouvelle avec d'autant plus de satisfaction que je venais de vous transmettre quelques renseignements sur les projets de ce chef de brigands.


Elle est honorable et ne peut être plus justement acquise, cette couronne civique que vous devez décerner au commissaire Abadie et au brave citoyen qui a exposé sa vie contre celle de l'infâme Roquebrune. Ils ont sans doute bien mérité de leur patrie ceux qui se dévouent pour la délivrer des monstres qui la souillent et la déchirent.


En applaudissant à l'héroïque courage de ces deux républicains, je ne fais que devancer l'éclatant témoignage de la reconnaissance publique que le Directoire s'empressera lui-même de leur donner. Je vais lui faire part de votre lettre et en transmettre, selon vos désirs, une copie au Ministre de l'Intérieur.
Salut et fraternité.
MERLIN."

==========

 

"Paris, le 6 germinal an IV de la République une et indivisible.
Le Ministre de l'Intérieur, au Commissaire du Pouvoir exécutif près l'administration centrale du département de la Haute-Garonne, à Toulouse.


Citoyen, j'applaudis à votre zèle et à votre sollicitude pour l'exécution des lois, et en particulier pour celle du 4 frimaire concernant les déserteurs et les jeunes gens de la première réquisition. Si le voisinage de l'Espagne leur facilite les moyens de fuir dans une terre étrangère, les administrations municipales doivent assurer la vindicte publique en tenant un état exact de tous ceux qui parviennent à se soustraire ainsi à l'exécution de la loi. Je ne doute pas que l'administration du département ne leur ait recommandé cette mesure. La loi du 3 brumaire relative aux prêtres réfractaires sujets à la déportation ou à la réclusion, ainsi qu'aux fonctionnaires publics parents d'émigrés, appelle encore toute votre sollicitude. J'aime à me persuader que toutes les administrations du département de la Haute-Garonne n'ont pas besoin d'être véhiculées pour s'empresser de mettre à exécution les mesures de salut public que cette loi prescrit. Vous voudrez bien m'informer de l'état des choses à cet égard.


J'ai appris avec le plus vif intérêt la fin bien méritée du scélérat Goty-Roquebrune. L'activité avec laquelle le citoyen Abadie l'a fait poursuivre, mérite des éloges, et l'on ne peut accorder assez à l'intrépidité avec laquelle le brave Faur, cultivateur à Villariès a affronté la mort pour parvenir à s'assurer de ce brigand. La couronne civique que l'administration se propose de décerner à ces braves républicains est une juste reconnaissance de leur dévouement. Tous les bons citoyens applaudiront à leur triomphe, et le gouvernement, en sanctionnant cet acte de justice, forme des voeux pour que leur conduite généreuse trouve beaucoup d'imitateurs.
Salut et Fraternité.
BÉNEZECH."

 

Revue des Pyrénées et de la France méridionale du 1er janvier 1906 - pp. 261 à 270
 

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