PÉRIGUEUX (24) - CHRISTOPHE BRIGOT, GARDE-CHAMPÊTRE ... "DE PAR SA VOLONTÉ" (1773 - 1853) ...
Les archives municipales du 14 prairial an IV (2 juin 1796) annoncent la nomination du premier garde-champêtre de la ville. Il s'appelait Lelièvre et il gagnait 400 francs par an.
Son service laissait sans doute à désirer puisque nous trouvons en 1809 que le nommé Brigot, après quatorze ans de service à la 93e demi-brigade de Périgueux, se nomme lui-même garde-champêtre de la ville qui comptait alors moins de sept mille habitants.
Personne ne l'a nommé, il n'a rien demandé, il n'a fait aucune démarche : il s'est imposé tout simplement.
Est-il possible qu'un homme s'impose ainsi à une municipalité, à une population ? Est-il possible de pouvoir exercer une fonction rétribuée sans avoir une lettre de service ? Est-il possible de verbaliser sans être investi d'un pouvoir spécial ? Est-il possible, sans mandat d'aucune sorte, de faire la police des rues, de régler la circulation et de conduire au violon les récalcitrants ?
Est-il possible qu'une municipalité, durant une période de huit années, serve chaque mois des appointements à un simple particulier qui ne figure pas sur les registres municipaux ?
Peinture du garde champêtre, porteur d'une plaque, de son bicorne et de ses armes par Aimé Perret. (Wikipedia)
Eh bien ! oui, c'est possible. Ce fait, certainement unique en France, extraordinaire, hilarant, s'est passé à Périgueux de par la volonté et l'énergie d'un illettré !
Pour s'en convaincre, on a qu'à lire l'arrêté ci-dessous, du 8 septembre 1817, de M. le marquis d'Abzac, maire de Périgueux :
"Le maire de Périgueux, considérant que le nommé Christophe Brigaud exerce les fonctions de garde-champêtre dans cette commune depuis le mois de décembre 1809 et qu'il reçoit un salaire en conséquence, sans qu'il paraisse qu'il ait reçu jusqu'ici ni commission ni nomination écrite,
Considérant qu'il importe qu'un acte émané de la mairie lui conserve le droit d'exercer les fonctions dont il s'agit,
Arrête que le dit sieur Brigaud est nommé garde-champêtre pour la commune de Périgueux ; qu'il est autorisé à en exercer les fonctions en se conformant aux lois et règlements, et qu'il jouira, comme par le passé, du salaire y attaché."
Brigaud a fait Brigou en Périgourdin. Il a exercé un pouvoir tellement étendu durant ses longues années de service, il a si bien terrorisé les malandrins, contrecarré les meneurs, maté les mutins et serré de près les révoltés, que son nom est devenu après sa mort synonyme d'agent de police. Un brigou était un agent de police dans tous les quartiers de la ville.
BRIGOT CHRISTOPHE est né à Beddes (Cher), le 12 décembre 1773. Il est décédé à Périgueux, rue Hiéras, le 2 juin 1853, à l'âge de 80 ans.
En dépit de son grand âge, il n'avait cessé d'exercer ses fonctions. Nommé garde-champêtre de par sa volonté, la mort seule a été capable de le limoger.
Il avait été marié une première fois le 20 vendémiaire an XI (12 octobre 1802) à Périgueux avec Marie Pigeane (1776 - 1813) et une seconde fois, toujours à Périgueux, le 27 janvier 1817, avec Marguerite Vigier, tailleuse. De la première union, il eut une fille, Marie (1803 - 1873) et de la seconde, également une fille, Jeanne (1821 - 1896).
Robert Benoit. "Notre province : revue mensuelle éditée sous le patronage du Centre d'études régionalistes de Limoges - Limoges - 1er décembre 1943.
AD18 - Registres paroissiaux de Beddes
AD24 - Registres d'état-civil de Périgueux.