NIORT (79) SÉREILHAC (87) - ANTONIN-LAURENT-VICTOR CHEBROU, COMTE DE LESPINATS (1806 - 1887)
ANTONIN-LAURENT-VICTOR CHEBROU, COMTE DE LESPINATS.
Chevalier de la Légion d'honneur (25 avril 1845)
Inspecteur général des Haras
Initiateur de la race équine anglo-arabe.
"Le 7 du mois de février 1887, Antonin-Laurent-Victor Chebrou, comte de Lespinats, chevalier de la Légion d'honneur, inspecteur général des Haras, en retraite, a reçu les honneurs de la sépulture chrétienne. Né le 7 février 1806, à Niort (Deux-Sèvres), il était fils de J.B.-Marie-Victor Chebrou et d'Antoinette, comtesse de Roque. Il habitait le château de Séreilhac (Haute-Vienne), où il est mort le 4 février dans la communion de notre Sainte-Mère l'Église et muni des sacrements. Signé au registre de la paroisse : Ledur, curé."
Entré dans l'administration des Haras à 17 ans, en 1822, Antonin de Lespinats devint agent spécial à Pompadour en 1826, régisseur en 1830.
En 1832 et le 10 janvier, il se marie à Limoges avec Mlle Catherine-Amélie Guérin, fille du Président du Conseil de Préfecture.
Naissent de cette union :
- Amélie-Antoinette-Céleste-Marie, née à Pompadour, le 20 octobre 1833 ; qui épousa Amédée-Jacques-Charles-Michel Jacquin de Margerie ; décédée à Tours, le 28 juillet 1903 ;
- Jean-Baptiste-Marie-Victor, né à Limoges, le 26 avril 1838 ; ingénieur des Mines, créateur des usines de Pont-Saint-Vincent ; chevalier de la Légion d'honneur ; marié à La-Vieille-Lyre (27), le 22 juillet 1768 avec Marguerite-Amélie Duval ; décédé à Nancy le 2 mars 1906, inhumé au cimetière de Sereilhac ;
- Augustine-Marie, née à Limoges, le 10 juin 1840 ; entrée en religion aux dames de Lignac ;
- Antoinette-Marie-Joséphine, née à Le Pin-au-Haras (61), le 10 avril 1843 ; mariée à Sereilhac le 2 février 1863 avec Pierre-Antoine-Gustave Roque ; décédée à Brive-la-Gaillarde, le 31 janvier 1899 ;
- Emmanuel ; marié à R. Ferrere ; sans descendance.
Nommé inspecteur particulier en 1833 et directeur à Pompadour le 3 mai 1834.
Envoyé comme directeur au Pin en 1840, il reçoit en 1847 sa nomination d'inspecteur général en même temps que sa mise à la retraite. Il compte alors 41 ans d'âge.
Malgré sa compétence et son activité, peut-être même à cause de son incontestable valeur, Antonin de Lespinats n'a pas l'heur de plaire à une direction de fortune du service des Haras qui n'a ni le savoir, ni l'expérience, ni l'autorité nécessaires pour commander et diriger un service aussi délicat et aussi important.
Il n'est pas d'ailleurs le seul fonctionnaire sacrifié et accepte sa disgrâce avec la philosophie et la dignité qui conviennent en cette circonstance, emportant dans sa retraite la sympathie et la considération de tous ceux qui l'ont vu à l'oeuvre et qui connaissent l'envergure de ses conceptions.
Devenu simple dépôt d'étalons en 1825, la réorganisation du haras et de la jumenterie de la Rivière résultent de l'ordonnance du 20 décembre 1833.
La nomination d'Antonin de Lespinats comme directeur semble résulter de ce nouvel état de choses, car nul ne pouvait mieux que lui rétablir l'ancienne situation, ayant été depuis 1822 le collaborateur et l'auxiliaire de ses prédécesseurs immédiats : Le Commandeur Desfargues, le Vicomte de Sédaiges, M. Mangeon et le Baron de Bony.
En relation avec les hommes les plus distingués de son époque, il reçoit le meilleur accueil dans tous les milieux où son intervention peut avoir un objet. Il a d'ailleurs lié partie avec des personnalités de premier plan, dont l'énumération paraîtrait peut-être fastidieuse et excessive, si le Bulletin de Pompadour lui-même ne témoignait des noms des éleveurs et hommes de turf de cette époque.
C'est ainsi qu'aux veuleries, aux prétentions mesquines et à la paresseuse suffisance de certains de nos contemporains, on peut opposer avec fierté, pour le Limousin, les noms de MM. de Bony, de Cardailhac, Cornudet de Cosnac, Dupont, de Jouvenel, de Laplace, Talabot, Alluaud, Bugeaud, Decoux, de Bonnefon, de Royère, Dumont de Saint-Priest, de Nexon, de Vernon, de Labastide, Maillard de la Couture, de Bonneval, de Moussy, de Mérenville, de Montbron, Bourdeau Lajudie, le baron Rivet, de la Celle Nouailher, de Vanteaux, de Verneilh, etc ...
Ces hommes-là constituent un cénacle, un groupe intellectuel très distingué, comme on n'en trouvera peut-être pas de plusieurs siècles, parce qu'ils se désintéressent plutôt, du côté matériel de la vie, par suite de la mentalité et de l'éducation vraiment supérieure qu'ils ont reçue au lendemain des chevauchées de l'Empereur à travers l'Europe.
Nos triomphes et nos désastres ont mûri leur jugement et ont trouvé un écho dans l'âme de ces hommes de haute trempe qui, dans les arts, les lettres et la philosophie, ont acquis une place prépondérante entre toutes. Ils constituent le grand parti libéral que l'on est convenu d'appeler l'École romantique, née de leurs labeurs, de leurs recherches et de leur culture intellectuelle.
C'est dans ce milieu choisi que de Lespinats évolue sa vie active et se révèle comme homme d'action énergique, organisateur alerte et hippologue érudit, à la fois éleveur et cavalier.
Château de Pompadour
Il est l'initiateur des courses de Pompadour et le Mécène des réceptions mondaines les plus brillantes qui les suivent au château de La Fragne qu'il possède non loin de Lubersac. Enfin il analyse si bien l'influence de la race Syrienne sur l'élevage Limousin, qu'il facilite considérablement s'il ne détermine même la tâche d'Eugène Gayot, son successeur, dans la vulgarisation du croisement anglo-arabe, appelé longtemps race de Pompadour.
Sellerie du château de Pompadour
Le passage de Lespinats à la direction du Haras restera légendaire.
Très bel homme, fort distingué et fort aimable, d'un naturel ouvert et accueillant, il conserve toute sa vie le charme et la séduction que réalisent généralement les natures d'élite.
Au physique, il offre autant de vigueur et de résistance, qu'il possède au point de vue intellectuel des ressources et des connaissances spéciales. Comme cavalier et conducteur il est de premier ordre, infatigable, hardi et prudent, il obtint du cheval le rendement maximum et, brillamment, tient le record de la vitesse et de la distance.
Lorsqu'il est appelé à la direction du Pin, il quitte Pompadour avec sa famille composée de neuf personnes, avec deux voitures attelées de cinq chevaux anglo-arabes et parcourt 470 km en 47 heures.
A la suite d'un pari avec M. Solanet, inspecteur des Haras, de Lespinats monte la jument limousine "Vitesse" et se rend de Pompadour à Niort en 24 heures parcourant 264 km.
En selle sur "Tarquin", cheval limousin de 7 ans, il franchit les 150 km, entre le Haras et Guéret, en 15 heures.
L'homme est solide, aussi sa retraite à 41 ans, est-elle bien prématurée. Mais il applique son activité à l'agriculture et à l'élevage du cheval, qu'il entreprend à Séreilhac, dans l'ancienne terre de Rochefort, acquise du duc des Cars, par M. Guérin, son beau-père.
Entre temps, il est maître de poste, maire de la commune de Sereilhac (sept. 1865 à juil. 1870), et apporte là encore dans ses nouvelles fonctions, des améliorations de toutes sortes. Il écrit également quelques articles qui s'ajoutent à ses rapports publiés dans le journal des haras et donne successivement :
- En 1847, Historique du Haras royal du Pin ;
- En 1863, une étude sur l'Agriculture en Limousin ;
- 1864 - 1865, Projet de réorganisation des postes ;
- 1872, Commentaire sur la remonte de l'artillerie ;
- 1884, Historique de Pompadour et du cheval arabe.
Études très personnelles, malheureusement trop succinctes, et qui décèlent une connaissance parfaite du cheval, qu'on se plairait à voir plus développées, notamment du côté historique qu'il effleure.
Veuf en 1857, il se remarie le 8 juin 1859 avec Mlle Marie-Charlotte-Jeanne-Adrienne Coster, (1823 - 1887), veuve du comte Gabriel-Henri Michon.
Mais c'est à l'automne de sa vie, qu'il donne peut-être la plus ample mesure de son tempérament, de sa valeur et de ses ressources.
La guerre de 1870 le surprend, tel autrefois Cincinatus, alors qu'il se livre à la culture de ses champs et à l'élevage de ses chevaux. Et ne pouvant faire le coup de feu à l'armée de la Loire, avec les braves mobiles, il se met à la disposition de M. Massicault, préfet de la Haute-Vienne, pour participer dans la mesure de ses forces et de ses aptitudes à la défense du territoire.
M. Massicault, homme très fin et très distingué, a bien vite défini les ressources que lui porte ce précieux auxiliaire ; il lui confie le soin d'organiser les contingents de chevaux et de harnachements que le département de la Haute-Vienne doit livrer au Ministère de la guerre.
Cette tâche est lourde et délicate, en raison des fournitures et des marchés sur lesquels pèse lourdement la fâcheuse influence d'une situation générale très relâchée. Mais l'impossible n'existe pas pour de Lespinats ; il se met à l'oeuvre et accomplit sa tâche d'une façon impeccable.
Sans bruit et sans vanité, il réussit, sort de là à son plus grand honneur, ayant ménagé les finances du département, plus jalousement certes qu'il n'aurait fait des siennes propres.
Après la guerre, sa mission terminée, il rentre à Séreilhac, reprend ses travaux interrompus et poursuit son idéal, malgré son grand âge.
Mais tout passe, tout craque, tout a une fin !
Le 4 février 1887, Antonin de Lespinats est emporté par un accès de fièvre, survenu à la suite d'une promenade à cheval, dans la forêt de Séreilhac.
Cet homme à l'intelligence vive, aux allures distinguées, avait un tempérament et une santé d'acier. A 81 ans, la veille de sa mort, il chevauchait encore sur un pur sang arabe, puis discutait à peine quelques heures avec la parque, et s'en allait fuyant l'inaction.
En quittant ce monde, l'initiateur de la race anglo-arabe a laissé à sa famille et à ses amis le souvenir d'un homme supérieur et l'exemple d'un travailleur infatigable.
Jules Tixier - Le Limousin hippique - 1er janvier 1919 (+ illustration de Lespinats à cheval)
Portrait en buste : Revue Notre Province - 1er juin 1943 - page 117
AD79 - Registres d'état-civil de Niort
AD87 - Registres d'état-civil de Séreilhac